Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Si le mot mētēr se niche au cœur même de son nom, Déméter reçoit également toute une série d’épithètes qui composent son paysage onomastique, que ce soit en poésie ou en prose, dans les textes de la tradition manuscrite ou dans les inscriptions. Or, ce type d’attribut est un puissant instrument de classification des compétences divines, des adresses rituelles qui s’en saisissent pour atteindre leur objectif, ainsi que de la mise en réseau des figures divines selon les contextes. L’analyse systématique des listes d’attributs onomastiques de Déméter dans tous les types de textes des périodes archaïque et classique vient conforter le profil « céréalier » de la déesse, pourvoyeuse des fruits de la terre et nourricière, mais aussi celui de la mère en deuil et en colère qui cherche sa fille et reçoit des honneurs supplémentaires au terme de sa quête.

Au cœur de ce paysage de noms se trouve l’épithète thesmophoros, absente de la poésie hexamétrique, mais présente en force dans les autres listes. Les plus anciennes attestations épigraphiques remontent à la fin du VIe siècle, à Géla, en Sicile, et en Arcadie. Par ailleurs, le nom de mois formé sur le nom de la fête des Thesmophories est attesté en Asie Mineure et en Crète, en attendant que de nouvelles inscriptions enrichissent de ce nom certains des calendriers jusqu’ici fragmentaires. L’Enquête d’Hérodote est un réservoir d’attestations tout aussi fécond puisqu’il attribue l’origine des Thesmophories à un enseignement que les Danaïdes venues d’Égypte auraient dispensé aux femmes des Pélasges (II, 171), ce qui enrichit l’imaginaire de la fête du passé violent des épouses meurtrières. L’Enquêteur livre également une série d’anecdotes ancrées dans les guerres médiques où Déméter, singulièrement la Thesmophoros, joue un rôle non négligeable. Ainsi, l’épisode du siège de l’île de Paros par l’Athénien Miltiade (VI, 134-135) offre un développement d’autant plus intéressant qu’il permet d’appréhender certains éléments constitutifs du sanctuaire et des interdits rituels qui le frappent. L’importance du sanctuaire de Déméter à Paros – déjà chantée par l’Hymne homérique à Déméter – se voit confortée dans les données cultuelles autour de la Thesmophoros de Thasos, cité fondée par des Pariens. Il n’est pas incident que Polygnote de Thasos, peignant à Delphes une descente aux enfers, ait ouvert sa fresque sur la barque de Charon portant notamment Kléoboia, une Parienne tenant sur ses genoux un coffret démétriaque. Cette signature « thasienne » atteste qu’au milieu du Ve siècle avant notre ère, les orgia de Déméter étaient associés aux premiers moments de la fondation de la cité.