Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
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« Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame
Las, le temps non, mais nous nous en allons. »
Pierre de Ronsard, Les Amours de Marie, 1555.

Le vivant est un être en devenir. La question qui sert de fil conducteur à cette deuxième leçon est : comment une connaissance du vivant (c’est-à-dire, d’un être en devenir) est-elle possible ?

Précisons le cadre : nous ne sommes sans doute pas les seuls vivants au monde. La Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, lançait en 2006 une exposition intitulée : « Sommes-nous seuls dans l’univers ? », et la réponse donnée au fil de cette exposition était : « sûrement pas ». Des êtres vivants dans l’univers, autres que les êtres vivants terrestres, il y a toute chance qu’il en existe. Un petit calcul alors lancé suggérait que si notre galaxie compte trois cents milliards d’étoiles, s’il y a quelque cent milliards de galaxies dans l’univers, et si l’on estime à une dizaine le nombre de planètes qui se rattachent à une étoile, on arrive à l’hypothèse (vertigineuse) de plusieurs centaines de milliards de planètes, parmi lesquelles certaines, assurément, ressembleraient à notre terre ; vu que notre terre abrite toutes sortes de vivants qui se sont accoutumés à des milieux extrêmes, on peut supposer que, même si les conditions atmosphériques et climatiques y sont différentes des nôtres, il est tout à fait possible que d’autres planètes soient habitées par des êtres vivants.

Mais n’allons pas trop vite, il ne s’agit plus de faire tourner les tables pour entrer en contact avec des esprits. Certes, au XIXe siècle l’idée de la « pluralité des mondes habités » inspirait des fictions à succès, et des réunions autour d’un médium qui entrait en communication avec les « habitants de l’autre monde » (Flammarion, 1862). Mais justement Jacques Monod en 1970 avait salué l’avènement d’une époque où l’on cessait de croire que là-haut, dans le ciel, des dieux gèrent notre monde, entourés d’anges, archanges et âmes des bienheureux ; il parlait d’anxiété humaine « dans un univers glacé de solitude », puisque nul n’est là-haut pour veiller sur nous : « L’ancienne alliance est rompue ; l’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’univers d’où il a émergé par hasard » (1970, p. 224-225). Il fallait forger une nouvelle alliance, fondée sur l’hypothèse d’une autonomie de la nature, et de son auto-organisation (c’est ce que cherchèrent Prigogine et Stengers, 1979).