Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Dans le troisième cours, nous avons examiné les études qui ont tenté d’enseigner des symboles et un langage, le plus souvent artificiel, à des primates non humains. Nous nous sommes appuyés sur une classification due à Charles Sanders Peirce, et revisitée par Terence Deacon et par Andreas Nieder, qui distingue plusieurs types de signes, c’est-à-dire de relations signifiant/signifié :

  • les signes « iconiques », pour lesquels il existe une relation non arbitraire entre signifiant et signifié ;
  • les signes « indexicaux », pour lesquels il existe une correspondance entre chaque signe arbitraire isolé et son référent, mais pas de système combinatoire dans lesquels ces signes viennent s’intégrer ;
  • enfin, les authentiques « symboles », c’est-à-dire des signes reliés entre eux par un vaste système combinatoire de relations. Dans la mesure où ces relations entre signifiants sont isomorphes avec celles qui relient les signifiés eux-mêmes (les contenus mentaux), il devient possible, par simple manipulation symbolique, de réaliser des opérations mentales qui conservent une correspondance systématique avec la réalité. L’exemple type est la correspondance entre les symboles des chiffres arabes et les quantités correspondantes : des calculs arithmétiques purement formels permettent d’anticiper sur les changements de quantités.

Dans ce cadre, les études expérimentales démontrent que de nombreux animaux (primates, perroquets, chiens, etc.) peuvent acquérir plusieurs centaines de signes arbitraires, atteignant ainsi le niveau 2 de Pierce. En revanche, ces signes acquis fonctionnent plutôt comme des indices que comme des symboles. En effet, ils présentent deux différences majeures avec les symboles des langues ou des systèmes sémiotiques de l’espèce humaine. D’une part, ils présentent une absence de réversibilité : l’animal ne comprend pas spontanément que la relation signifiant/signifié est réversible, et qu’il est donc possible de passer du sens au symbole et vice versa, dans les deux directions. D’autre part, aucune espèce animale ne s’est avérée capable d’apprendre un authentique système de règles complexes liant les signes entre eux.