Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Films : Esther (1985) ; La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres (2009), Golem, l’esprit de l’exil (1991), extraits

À l’époque, je vis à Paris et je me fixe comme règle de ne pas faire, tant que j’y vis, de documentaires sur Israël. J’ai envie de commencer à faire de la fiction. Je décide de prendre un texte biblique, Le Livre d’Esther, pour commencer. Je suis attiré par sa beauté, sa simplicité, sa structure. Les Juifs ont utilisé ce texte, au cours des générations précédentes, comme un territoire élargi : des membres de communautés disséminées dans le monde entier, dans des géographies et sous des régimes différents, ont continué à l’étudier et à le méditer tout en étant séparés ou exilés de leur territoire d’origine. Je me dis : pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas regarder ce texte qui devient métaphorique si je le prends d’un point de vue non religieux et si je l’applique à une forme de fiction ? J’en ai une connaissance intime, il a une résonance dans mon esprit, c’est un bon début. Ça, c’est l’attirance pour ce texte. Mais ensuite, il y a ce qui m’en éloigne. J’ai toujours besoin de ces deux mouvements pour commencer un projet. Donc je cherche un angle indirect pour observer la réalité, une structure indirecte ou parabolique. Et l’histoire d’Esther offre cette possibilité. Et troisièmement, j’aime détourner les mythologies existantes, questionner la validité de certaines vérités établies. Dans la mémoire collective, l’histoire d’Esther est celle de la victoire d’un peuple opprimé qui se libère de ses oppresseurs. Mais on oublie souvent la fin du texte : celle de la vengeance inutile qui est racontée par le scripteur biblique. Je veux rappeler cette partie qui a été oubliée et questionner le cycle de la vengeance et la permutation permanente oppresseur/opprimé.

Esther (1985)

Conçu comme une série de tableaux vivants, Esther est mon premier long métrage de fiction et le premier volet de ma « trilogie de l’exil » (avec Berlin-Jérusalem et Golem, l’esprit de l’exil).

La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres (2009)

Ce film, d’après La Guerre des Juifs, de l’historien antique Flavius Josèphe, raconte la fin de la souveraineté juive en Palestine en 73 ap. J.-C, après la guerre contre les Romains, la prise de Jérusalem, la destruction du Temple et la chute de Massada. Dans ce spectacle créé au Festival d’Avignon (2009), Jeanne Moreau incarne Flavius Josèphe. 

Je rapporterai avec exactitude ce qui s’est passé dans les deux camps, mais, dans mes réflexions sur les événements, je laisserai paraître mes sentiments et je laisserai ma douleur personnelle s’exprimer sur les malheurs de ma patrie. Car ce sont des dissensions intestines qui l’ont détruite, cette patrie, et ce sont les tyrans juifs qui ont attiré sur le Saint Temple les coups et les torches des Romains qui voulaient l’épargner […]. Et comme ce n’est la faute d’aucun étranger, je n’ai pu retenir mes lamentations. Si quelqu’un leur refuse toute indulgence, qu’il porte les faits au compte de l’histoire et les larmes au compte de l’historien.
Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, trad. du grec par P. Savinel, préface de P. Vidal-Naquet, Paris, Éditions de Minuit, 1977

Golem, l’esprit de l’exil (1991)

À partir de l’interprétation du Golem dans la Kabbale espagnole – le Golem, incarnation de l’exil et des errants –, le film Golem, l’esprit de l’exil explore les significations contemporaines du livre de Ruth dans la Bible.

Le texte biblique de Ruth a pour point de départ une histoire documentaire : une famille de Bethléem souffre de la famine et émigre à Moab, la « nouvelle terre d’exil ». Mais le narrateur de la Bible a transformé cet événement en fiction. Et c’est devenu plus qu’une fiction : un mythe sanctifié. […] J’ai replacé les implications mythologiques dans le contexte d’aujourd’hui. La question de la création est le cadre général du film et, au sein de ce cadre, il y a un aller-retour permanent vers la question de l’exil. Ce thème du Golem est ma façon de m’interroger sur la question du langage cinématographique. Dans Golem, l’esprit de l’exil, la question centrale est celle du déracinement, qui est le fil rouge de toute la trilogie.
Amos Gitai, in Yann Lardeau, Les Films d’Amos Gitai, inédit

Personnalité invitée : Alain Schnapp

Alain Schnappest professeur émérite d’archéologie grecque (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), ancien directeur de l’UFR d’histoire de l’art et d’archéologie. Il a œuvré à la création de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), dont il a été le premier directeur général de 2001 à 2005. Il a été professeur invité par les universités de Princeton, Naples, Pérouse, Cambridge, Santa Monica et Heidelberg. Il est membre correspondant de l’Institut archéologique allemand et a reçu le prix de l’association des études grecques en 1988). Ses activités de recherche portent sur trois domaines distincts : l’anthropologie de l’image en Grèce ancienne, l’histoire de l’archéologie et l’étude urbaine des cités et territoires du monde grec. Il a également coordonné un programme de recherche sur une histoire comparée des ruines (FMSH/ENSBA/Paris 1/ITEM). Alain Schnapp a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels : L’Archéologie aujourd’hui (Hachette, 1980), Archéologie, pouvoirs et sociétés (CNRS, 1984), Le chasseur et la cité : chasse et érotique en Grèce ancienne (, Albin Michel 1997), un Guide des méthodes de l’archéologie (en collaboration), La conquête du passé, aux origines de l’archéologie (Carré, 1993 et 1998), L’histoire ancienne à travers 100 chefs-d’œuvres de la peinture, avec François Lebrette (Presses de la Renaissance, 2004), Ruines – Essai de perspective comparée (Les presses du réel, 2015), Piranèse ou l’épaisseur de l’histoire(INHA, 2017), et très récemment, Une histoire des civilisations. Comment l’archéologie bouleverse nos connaissances, avec Jean-Paul Demoule et Dominique Garcia (La Découverte/INRAP, 2018).