Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Certains écrivains célèbres se sont attaqués à l’œuvre de Valéry. Jules Romains lui reprochait notamment sa « mystification créatrice ». Dans Les Hommes de bonne volonté (tome XII, chapitre 14), le personnage de Strigelius est modelé sur Valéry : il s’agit d’un littérateur composant de façon purement formelle un poème dans lequel on reconnaît un pastiche du « Cimetière marin ». C’est que la littérature de Jules Romains se voulait interventionniste, faite selon l’idéal de l’« unanimisme », en totale opposition avec le caractère dégagé de la poésie valéryenne.

En 1947, alors qu’elle cherche à se faire un nom dans les milieux littéraires, c’est Nathalie Sarraute qui s’attaque à Valéry dans « Valéry et l’enfant d’éléphant », paru dans Les Temps modernes au grand dam de Jean-Paul Sartre, admirateur de Valéry. Elle reprenait les mêmes arguments que les critiques des années 1920 : préciosité, hermétisme de pacotille (« Mallarmé rayon calicot »). Faussement naïf, le ton adopté veut faire rire de Paul Valéry, alors décédé depuis deux ans). Cette critique, faite de jugements cruels à l’emporte-pièce sur des vers isolés, ne tenait pas compte du fait que Paul Valéry voulait construire un effet général par ses poèmes et non pas écrire une suite de vers admirables pris individuellement. Valéry comptait sur la longueur pour créer l’état poétique. Tirer un vers de son contexte, c’est trahir une construction en cours.

Reprocher à Valéry de faire dans le meilleur des cas un pastiche de la poésie classique, comme le fait Sarraute, c’est aussi ne pas comprendre son projet. En affirmant qu’« il n’est rien de plus neuf que l’obligation d’être neuf » (« Remerciement à l’Académie française », 1927), en dénonçant dans le Cours de poétique la « néo-manie » en vigueur, Paul Valéry manifestait son admiration pour les grands écrivains, tels que Bossuet ou Racine, qui ne cherchaient pas la nouveauté ni l’originalité. Écrivant La Jeune Parque en pleine guerre, il faisait une œuvre déjà postmoderne, par laquelle il cherchait à résister par le travail mémoriel à la destruction du monde.