Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

Repartant du mot de Foucault, rapporté par Paul Veyne : « La question du sujet au xvie siècle a fait couler plus de sang que la lutte des classes au xix», on a consacré deux heures de cours au colloque de Montbéliard ayant réuni des représentants de l’Église réformée calviniste et de l’Église luthérienne, du 21 au 29 mars 1586, à l’instigation du prince luthérien Frédéric Ier duc de Wurtemberg, comte de Montbéliard, pour tenter de trouver un accord sur la théologie de l’Eucharistie. Après avoir présenté les principaux protagonistes : pour les calvinistes, Théodore de Bèze (1519-1605), successeur de Calvin à Genève, éditeur et traducteur du Nouveau Testament ; pour les luthériens ou « wurtembergeois », Jakobus Andreae (1528-1590), principal théologien luthérien de l’époque, et Martin Chemnitz (1522-1586), tous deux parmi les coauteurs de la Formule de Concorde. On a situé la portée archéologique du colloque de Montbéliard, en indiquant que l’analyse des controverses entre réformés et luthériens permettait d’aborder une série de concepts fondamentaux pour l’archéologie du sujet, en général, et celle du sujet de la passion, en particulier, et l’on a dressé l’inventaire des éléments du dossier abordés, présupposés ou exploités dans le cours : l’ubiquisme, la communication des idiomes, la kénose, l’exinanition, l’alleosis zwinglienne, l’Extra calvinisticum, le « chiasme des propriétés », l’occultation (« voilement »), la théorie des « quatre genres » et la distinction entre genus majestaticum et genus tapeinoticon luthériens. La première moitié de l’heure a été consacrée à la défense luthérienne de la présence réelle par le recours à l’ubiquisme et à sa critique drastique du « figurativisme » des « sacramentaires » partisans de Zwingli. Les zwingliens réduisent la « communication des idiomes » à une figure de style : l’alleosis. Ils rejettent pour la même raison la théopaschisme. Luther fait de l’alleosis « le masque du démon ». Le colloque de Montbéliard voit les luthériens faire aux calvinistes le même reproche qu’aux sacramentaires. Les calvinistes rejetant l’ubiquisme rejettent le théopaschisme, et par là, tombent dans l’hérésie de Nestorius : ils soutiennent que « Dieu souffre » signifie seulement que l’humanité du Christ souffre. Après l’examen des critiques, on a analysé la réponse de Théodore de Bèze et souligné l’originalité de la position calviniste : Dieu « souffre kat’allo », non pas « par soi », mais « par un autre » ou « en un autre » ou « en autre chose » que Lui-même. On a sur cette base présenté la théorie dite « de l’Extra calvinisticum », fondée sur la distinction entre les expressions « totus Christus » et « totum Christi ». On a donné un premier résumé de la position calviniste : le Christ tout entier (« tout le Christ ») a souffert sur la Croix, mais pas le Christ en entier (« le tout du Christ »), car sa divinité n’a pas souffert.