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Le cours de l’année 2014-2015 a été le premier d’un cycle consacré à la justice sociale internationale. Il s’agit un domaine immense qu’il ne pouvait être question d’étudier de façon exhaustive, mais qu’il est utile de revisiter car il se présente aujourd’hui sous un jour paradoxal.

D’un côté, en effet, la question de la justice sociale retrouve une brûlante actualité à l’échelle internationale, avec l’affaissement de la capacité des États à assurer le bien-être de leur population et l’explosion des inégalités de revenus. Ainsi l’INSEE, dans son dernier portrait social de la France (septembre 2014), observe qu’en 11 ans le nombre de sans-logis a augmenté de 44 %. Au Royaume-Uni, le dernier rapport gouvernemental sur l’alimentation révèle que les 10 % les plus pauvres de la population, soit 6,4 millions de personnes, souffrent de sous-alimentation. À l’échelle européenne, les taux de pauvreté atteignent des proportions considérables, notamment dans les pays du Sud, touchés par les mesures d’austérité économique. Quant au creusement considérable des inégalités, il s’observe dans tous les pays du monde. Inégalités de revenus, mais aussi inégalités dans la distribution des patrimoines, telles que mises en évidence dans l’excellent ouvrage de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle. Le succès planétaire de ce livre austère est en lui-même révélateur de la conscience inquiète des dangers que cette remontée des inégalités fait planer sur la paix et la prospérité.

Or, dans le même temps, la question de la justice sociale a disparu des priorités politiques, tant à l’échelon des gouvernements que de l’Union européenne ou des institutions internationales. Aucun des huit objectifs fixés par la Déclaration du millénaire pour le développement adoptée en 2000 par l’Assemblée générale des Nations unies ne vise la justice sociale. Les ambitions dans ce domaine sont réduites à la lutte contre l’extrême pauvreté, objet de plans conduits notamment sous l’égide de la Banque mondiale dans le sillage des désastres économiques et sociaux causés par les plans d’ajustement structurels imposés par le FMI ou la Troïka. L’agenda 2020 de l’Union européenne se présente sous forme « d’indicateurs objectifs », i.e. de cibles quantifiées, dont aucun ne concerne la réduction des inégalités. Sur un plan plus proprement juridique, le Traité sur la gouvernance monétaire européenne fixe aux États membres des objectifs exclusivement budgétaires, et les tolérances quant aux écarts sont subordonnés par la Commission à des réformes « courageuses » qui consistent pour l’essentiel à réduire les protections accordées au travail salarié, à privatiser les services publics et à libéraliser le secteur des services. Toute référence au « modèle social européen » a disparu de ces priorités. Les désastres sociaux dans lesquels se trouvent plongés les pays du sud de l’Europe et les tensions nationalistes partout renaissantes devraient pourtant conduire à s’interroger sur la conception de cette monnaie européenne et sur ses règles de gouvernance, au regard de l’objectif social d’« égalisation dans le progrès » fixé par les traités. Selon le FMI, les plans de secours de la Grèce ont servi pour l’essentiel à déplacer l’exposition au risque du privé vers le public.

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