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La culture post-moderne contemporaine, qu’on appelle aujourd’hui la « société de l’information », est saturée de réalité virtuelle. Les technologies de l’information et de la communication constituent le moteur de cette réalité virtuelle qui établit un nouveau Lebenswelt. C’est la « révolution digitale » qui a rendu possible ces nouvelles technologies, qui résultent de la fusion de deux technologies différentes : la technologie de l’intelligence artificielle et la technologie de la sensation. La première consiste dans l’intensification de la faculté humaine de « penser », qui nous permet de dépasser les restrictions organiques dues au corps dans le corps lui-même. La seconde est l’extension de la faculté humaine de « sentir » : elle permet de dépasser les restrictions spatio-temporelles en dehors du corps.

La caractéristique absolument nouvelle du mélange de ces deux technologies réside dans sa capacité à associer « noesis » et « aisthesis » : l’objet de la pensée (l’unité logico-mathématique) et l’objet de la sensation (sense data) se transforment l’un dans l’autre. Le cyber-espace, base ontologique de la réalité virtuelle, trouve son origine dans cette convergence technologique. La réalité virtuelle, fondée sur le cyber-espace, peut s’éloigner du monde naturel en dépassant les restrictions naturelles qui ont été si longtemps associées à la condition humaine. Le cyber-espace n’est pas réellement un espace : il n’y subsiste ni extensionalité ni distance. Et là où nulle distance ne subsiste, le temps aussi disparaît. Dans cet espace hybride, où l’identité et la différence coexistent sans pouvoir être distinguées, rien de substantiel ne demeure. La simultanéité et l’instantanéité provoquent la « déterritorialisation » des choses.

La culture, considérée comme le produit des activités spirituelles humaines, est fondamentalement une transformation ou une variation de la nature. Et même si la culture transcende la nature, elle ne peut pas apparaître si elle en est coupée. La « culture de l’information », qui repose ontologiquement sur la réalité virtuelle, peut échapper au contrôle humain, dans la mesure où la réalité virtuelle outrepasse les limites de n’importe quelle expérience humaine concevable. Au contraire, la culture au sens ordinaire renvoie à l’esprit humain qui est objectivé dans la réalité naturelle. Elle reste ainsi dans le domaine des activités humaines, qui ne lui permettent pas de transcender la nature.

La réalité virtuelle apparaît donc comme une production très artificielle, dans la perspective de l’enseignement de Lao-Tseu. Celui-ci affirmait en effet que nous ne devrions rien ajouter d’artificiel au monde et laisser les choses telles qu’elles sont, de manière à connaître la réalité telle qu’elle est vraiment pour ensuite agir droitement.