Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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En 1905, âgé de quatre-vingts ans, Oppert mourut. Ses dernières années, assombries par une quasi-cécité, avaient été marquées par son aigreur à l'égard des plus jeunes assyriologues, à l'exception de Charles Fossey qui eut toutes ses faveurs. Sa succession fut ouverte lors de l'Assemblée des professeurs du 5 novembre ; ils votèrent pour le maintien de la chaire sous l'intitulé inchangé de « philologie et archéologie assyriennes ». L'Administrateur reçut cinq lettres de candidats dont les titres et travaux furent examinés lors de l'Assemblée du 17 décembre 1905 : par ordre alphabétique, il s'agissait de Charles Fossey, Joseph Halévy, Vincent Scheil, François Thureau-Dangin et Charles Virolleaud. Dès le premier tour, le P. Scheil obtint la majorité absolue (21 voix sur 38 votants), tandis que Ch. Fossey fut placé en « seconde ligne » par 23 votants. Dans sa séance du vendredi 29 décembre, l'Académie des inscriptions et belles-lettres confirma partiellement le vote du Collège de France : elle plaça Scheil en tête avec 26 voix sur 33, mais ce fut Thureau-Dangin qui fut placé en seconde ligne, par 19 voix contre 14 à Fossey.

L'élection en première ligne de V. Scheil, un dominicain, au Collège de France et sa confirmation par l'Académie provoquèrent un émoi terrible dans le camp des radicaux : il faut rappeler que le 7 juillet 1904 le président du Conseil Émile Combes avait promulgué une loi interdisant l'enseignement aux congrégations religieuses, et surtout que la « loi concernant la Séparation des Églises et de l'État », qu'il avait préparée, venait tout juste d'être promulguée, le 9 décembre 1905, par le cabinet Maurice Rouvier. D'où la question que tous se posaient : le ministre J.-B. Bienvenu-Martin allait-il nommer un religieux professeur au Collège de France ? Clémenceau ouvrit les hostilités par un article de deux colonnes à la une de L'Aurore du samedi 30 décembre 1905, sous le titre « Saint Dominique au Collège de France ». Mais, parmi les professeurs du Collège, certains libres penseurs comme Berthelot avaient pris fait et cause pour celui que Clémenceau désignait comme « le moine ». Quant à Gabriel Monod, président de l'École pratique des hautes études, il se rendit au ministère protester contre la campagne de diffamation dont un des professeurs de son établissement, le P. Scheil, était victime. Les deux camps n'arrêtaient pas de se répondre par articles de presse interposés.