Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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Le Mont du Temple, ou, sous son nom musulman, le Haram al-Sharif, à Jérusalem, offre l’exemple rare d’un lieu sacré auquel se réfèrent plusieurs traditions religieuses. Il constitue un cas très particulier pour l’historien des religions, qui peut suivre les traces des relations dialectiques, à travers deux millénaires, entre les attitudes croisées des juifs, des chrétiens et des musulmans envers la ville sainte. Depuis la destruction du Temple en 70 de notre ère, sa reconstruction devint pour les juifs l’épicentre de leurs représentations eschatologiques. Les choses étaient plus complexes pour les chrétiens, qui considéreront très vite la destruction du Temple comme la punition divine pour le crime de déicide commis par les juifs. Ainsi, la construction par Constantin de la basilique de l’Anastasis (le Saint-Sépulcre), à l’ouest de la ville, face au Mont du Temple laissé à l’abandon, souligneront du quatrième au septième siècle la nouvelle topographie du sacré. Mais les tensions eschatologiques, qui s’étaient estompées dans le christianisme post-apostolique aussi bien que dans le judaïsme rabbinique, ne disparaissent pas, elles refont surface au viie siècle, avec l’invasion perse et la prise en captivité de la Sainte Croix (en 614), et surtout avec la conquête musulmane de la Palestine et la prise de Jérusalem (en 638). Malgré la pauvreté de nos sources, il est possible de déceler, jusqu’à la fin du siècle, les relations complexes entre attentes eschatologiques juives et chrétiennes (le Messie attendu par les premiers est l’Antéchrist des seconds), et la cristallisation des conceptions musulmanes, jusqu’à la construction du Dôme du Rocher et de la mosquée Al Aqsa. À travers le Moyen Âge et jusqu’aux débuts de l’époque moderne, les métaphores mystiques de Jérusalem se multiplient, souvent fondées sur l’étymologie traditionnelle de Jérusalem (en hébreu Yerushalaim, indiquant la visio pacis [yr’eh shalom]). De même, la multiplication des églises censées reproduire le Saint-Sépulcre, ainsi que la reconstitution de la topographie hiérosolymitaine (par exemple à Bologne), permet à l’écho de Jérusalem de continuer à résonner dans la conscience chrétienne.