Salle 2, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

Le monde byzantin avant l’Islam connaissait une foule de paganismes, à la fois polythéistes et de temps en temps, à cause de la hiérarchie de leurs dieux, quasi-monothéistes. Dans le Coran le Prophète Muhammad a désigné du nom de mushrikūn ceux qui partageaient leurs dieux et devaient être, sous une forme ou une autre, des païens. Considérant les idées de ces mushrikūn, l’historien dispose d’un dossier de témoignages sur les anges auprès desquels les païens sollicitaient une intercession céleste pour les aider et leur révéler les opérations invisibles du ciel. Ces anges païens de l’Antiquité tardive doivent leur appellation au mal’ak hébreu qui se trouve dans la Bible et qui est devenu angelos ou messager dans la Septante. Muhammad se considérait comme un rasūl (messager) de l’Islam dans l’Arabie païenne, où malak (sans alif) était le mot arabe pour ange. Le Prophète savait bien que les Arabes autour de lui attendaient des anges pour confirmer son message, mais ils n’en avaient pas vu. Muhammad lui-même s’est présenté uniquement en rasūl, non pas malak. En grec, un tel messager n’était plus appelé angelos, parce que d’autres mots avaient remplacé cet ancien mot, par exemple apostolos parmi les Chrétiens hellénophones et nuntius en latin, où angelus ne voulait dire qu’ange. Ce qui frappe dans ces transitions de titre, c’est l’utilisation des mots angelos et angelus comme épithètes de dieux païens eux-mêmes. Ce sont des anges-dieux qu’on voit dans l’épigraphie du Liban, de la Jordanie, et de l’Asie Mineure, et également en latin dans l’Ouest en Italie et en Roumanie. Les anges-dieux font penser que l’interprétation traditionelle d’un nom divin, comme Malakbel à Palmyre, s’explique au mieux comme Ange-Bêl plutôt qu’Ange de Bêl.

Sur une monnaie d’al Jî près de Pétra figure l’ange-dieu Idarouma, la main levée, qui a reçu une dédicace hauranaise à Sammet el Baradan. L’inscription  précise que la dédicace était offerte  à Ilaalge, dieu de Gaia (al Jî), et son ange Idarouma. L’image de cet ange à la main levée sur une monnaie à la place réservée à un dieu prouve qu’il s’agit ici d’un ange-dieu. On peut le rapprocher du Theion Angelos (ou Theion Angelikon) de Carie en Asie Mineure. Une nouvelle perspective, qui devient de plus en plus à la mode, selon laquelle les anges païens et même les anges-dieux ne seraient que divinités mineures au service d’un seul grand dieu – et par conséquent que le paganisme de l’Antiquité tardive n’était qu’un monothéisme païen – reste indéfendable. Le Coran ne souffre pas une telle supposition, et les déesses coraniques du panthéon préislamique (al Lat, al Uzza, al Manat) ne sont point susceptibles d’une identification avec les filles d’Allah. Les païens de l’Antiquité tardive rangés contre le Prophète étaient pleinement polythéistes.

Intervenants