Colloque international en hommage à Claude Lévi-Strauss à l'occasion du 10e anniversaire de sa disparition.

Aux cotés d’illustres figures fondatrices des sciences sociales ayant enseigné à l’École pratique des hautes études - Mauss, Durkheim, Dumézil - Claude Lévi-Strauss a marqué son temps et fascine encore. Au commencement de son oeuvre se situent deux rencontres : celle des Nambikwara, des Bororo et des Caduveo au Brésil entre 1935 et 1938, et celle de Roman Jakobson à New York en 1942. La découverte de la linguistique structurale transforme l’ethnologue, éveillant en lui l’intuition fondatrice que la valeur distinctive des faits observés, leur combinatoire et les logiques de transformations qui en résultent sont la cible même de l’anthropologie. Une telle science cependant ne peut abandonner le terrain d’une pensée en mouvement. La discipline refondée dévoile comment, dans l’arc-en-ciel des cultures humaines, il est possible de penser autrement en ordonnant de façon singulière les données de l’expérience sensible. Il n’est un domaine de la vie que le penseur n’examine avec alacrité, de la botanique à l’ornithologie, des mythes Bororo aux champignons de l’aire boréale en passant par la crise de la vache folle. Exhumer la logique de cette pensée « à l’état sauvage » opérant sur la matière, le langage, le corps, est pour Lévi-Strauss le pari fondateur de l’anthropologie.

Moderne, ce pari l’est sans doute à plusieurs égards. Conduisant les sciences humaines vers une émancipation du relativisme, l’approche structurale légitime dans le même temps une exploration de la diversité des mondes dont témoignent, chacune sous un regard distinct, les disciplines des sciences humaines. La mythologie comparée, monument de l’oeuvre colossale de Lévi-Strauss, cède la place à une pratique moderne de la comparaison en anthropologie, faisant surgir les dissemblances et les ressemblances entre les manières d’être-au-monde, de sentir, de croire, par-delà les frontières culturelles ou biologiques. Bousculant nos enquêtes, une myriade d’acteurs non humains, figures modernes de l’altérité, font irruption parmi les nouveaux objets de nos disciplines. La pratique de la comparaison a le mérite d’étendre considérablement le champ de l’analyse anthropologique. Cependant, est-elle plus qu’une expérience de pensée englobant la différence entre une manière convenue et insoumise de percevoir le réel ? Comment et jusqu’où l’anthropologie permet-elle aussi de penser le monde autrement ? Dans un univers où le lointain est devenu étrangement proche, où la ‘nature’ se voit démystifiée, les leçons lévi-Straussiennes nous permettent-elles d’appréhender la discontinuité de l’expérience humaine ? Peut-on lire autrement, avec Lévi-Strauss, le débat contemporain qui porte sur l’avenir des mondes, les savoirs autochtones, la « condition humaine » à la lumière de l’ethnographie ? En réunissant des chercheurs provenant de disciplines soeurs que sont l’ethnologie, l’anthropologie, la philosophie, les sciences religieuses et l’histoire, ce colloque entend rendre un modeste hommage à la vitalité de l’oeuvre de Claude Lévi-Strauss, témoignant de l’influence que cette oeuvre continue d’exercer sur les sciences humaines au XXIe siècle.

Organisé par l'École pratique des hautes études, le Laboratoire d'anthropologie sociale et le Collège de France.