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Comme toutes les sociétés, la société médiévale a l’humiliation en horreur et y voit le plus redoutable des châtiments. L’univers chevaleresque, tel que la littérature le représente et l’idéalise, cherche l’honneur, fuit la honte, s’enivre d’ostentation et de faste. Pourtant cette même société se réclame d’une religion fondée sur l’abaissement de Dieu fait homme et sur l’humiliation de la croix. Une religion qui invite l’homme à la fois à imiter l’abaissement divin et à se reconnaître pécheur par la pratique de l’humilité, notion morale étrangère à l’Antiquité. Mais cette religion même nie l’abaissement en même temps qu’elle l’exalte : la résurrection du Christ transforme la croix en signe de victoire et de gloire ; l’Eglise encourage les réformes visant à retrouver la pauvreté évangélique, mais se méfie de leurs manifestations les plus radicales et voit dans sa puissance temporelle le triomphe du Christ ; l’humilité devenue vertu échappe à l’humiliation. Nous dirions la société médiévale marquée par une culture de la honte, le christianisme par une culture de la culpabilité, mais la société médiévale est chrétienne.
Ces imbrications et ces contradictions, le cours les étudiera, non en elles-mêmes, mais à travers des récits médiévaux mettant en scène l’humilité et l’humiliation : des récits de l’abaissement. Le récit de l’humiliation s’intéresse à l’humilié, mais aussi – et souvent plus encore – à celui qui inflige l’humiliation, directement ou parce qu’il en est le spectateur. Il multiplie les regards sur l’humiliation, qui n’existe précisément comme humiliation que sous le regard de l’autre. Enfin, le récit, univers de signes, amplifie ceux de l’humiliation. Or la souffrance est dans le signe qui fait d’elle une humiliation. Le récit de l’humiliation est pire que l’humiliation elle-même.
On s’intéressera à des épisodes de chansons de geste, de romans, de chroniques, à des contes pieux, à des récits hagiographiques. Du procès de Ganelon à l’ermite faussement accusé, du Chevalier de la charrette à la déposition d’Edouard II et de Richard II, des Congés d’Arras à la littérature franciscaine, des fabliaux aux mystères, on abordera des récits aussi variés et d’esprit aussi différent que possible.

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