Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Post-truth est le mot de l’année, mais désigne-t-il un moment ou un régime ? Qu’est-ce que vivre la post-vérité et comment une réflexion historique sur l’avant de la vérité peut-elle jeter des lueurs d’intelligibilité sur nos hantises contemporaines ? On repart d’une analyse de Michel Foucault qui, dans Du gouvernement des vivants, établit cinq articulations historiques entre l’art de gouverner et la manifestation de la vérité. Prenant à rebours cette généalogie, dont les moments se superposent davantage qu’ils ne se succèdent, on se porte en-deçà du seuil de répulsion machiavélienne pour examiner les doctrines médiévales de la vérité : faisant du pape un « docteur de vérité », la réforme grégorienne renforce la théorie transcendantale d’une vérité comme hypostase du Christ. Mais elle n’empêche pas le développement parallèle, à partir du XIVe siècle surtout, des procédures rationnelles d’approximation du vrai par « certitudes probables », construisant une définition logique de la vérité. Car le pouvoir des doctes se fonde sur « l’orthodoxie de l’invraisemblable » (Catherine König-Pralong), autrement dit, la faiblesse de croire. Le cours s’achève sur un retour à Machiavel et à une analyse de son exigence d’andar drieto alla verità effettuale della cosa.

Sommaire

  • « La raison d’être de ce cours ? Il suffit d’ouvrir les yeux — ceux qui y répugneraient s’y trouveront dans ce que j’ai dit » (Michel Foucault, 24 novembre 1971, Théories et institutions pénales)
  • Résumé du cours précédent : au seuil d’une histoire des effets du vrai
  • Post-truth, mot de l’année d’après le Dictionnaire Oxford — Post-factual politics et « ère post-vérité » : trois ambiguïtés
  • Parrêsia et parler vrai, Démosthène contre Eschine
  • Autre chose que le mensonge politique (« l’art de convaincre le peuple par des faussetés nécessaires », Jonathan Swift, 1733)
  • « Le caractère de la république est de ne rien dissimuler, de marcher droit au but, à découvert, d’appeler les hommes et les choses par leur nom » (Camille Desmoulins, cité par Pierre Rosanvallon, Le bon gouvernement, Paris, 2015)
  • Post-truth, fact-checking et bullshitt
  • « La négation délibérée de la réalité — la capacité de mentir — et la possibilité de modifier les faits — celle d’agir — sont intimement liées ; elles procèdent l’une et l’autre de la même source : l’imagination » (Hannah Arendt, Du mensonge à la violence)
  • Cinq façons d’établir une relation entre l’art de gouverner et la manifestation de la vérité d’après Michel Foucault (Du gouvernement des vivants, première leçon) : raison d’État, principe d’évidence, âge de l’expertise, dévoilement et renversement, terreur
  • « La terreur, ce n’est pas un art de gouverner qui se cache, dans ses buts, dans ses motifs et dans ses mécanismes. La terreur, c’est précisément la gouvernementalité à l’état nu, à l’état cynique, à l’état obscène. C’est la vérité qui glace, c’est la vérité qui se rend elle-même par son évidence, par cette évidence manifeste partout, qui se rend intangible et inévitable »
  • Cinq moments qui se superposent davantage qu’ils se succèdent : faire porter l’effort archéologique au-delà du seuil de répulsion machiavélienne
  • Avant la raison d’État, la crédulité imposée par l’Église ? Autour de Jean-Philippe Genet dir., Vérité et crédibilité : construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (XIIIe-XVIIe siècle), Paris, 2015
  • Ego sum via veritas et vita (Jean, 14, 6) : la vérité comme hypostase du Christ et la réforme grégorienne faisant du pape un « docteur de vérité » (Florian Mazel)
  • La théorie transcendantale de la vérité chez Thomas d’Aquin : « même si l’intellect humain n’était pas, les choses seraient tout de même dites vraies dans leur ordonnancement à l’intellect divin »
  • De la problématique logico-sémantique à l’analyse de la connaissance : quand la proposition elle-même devient le lieu du vrai (Joël Biard)
  • Les « certitudes probables » et les procédures rationnelles d’approximation du vrai (Christophe Grellard)
  • Lorsque les doctes défendent « une orthodoxie de l’invraisemblable », les laïcs leur opposent la robustesse de l’expérience (Catherine König-Pralong)
  • Quentin Skinner, La vérité et l’historien : interpréter des croyances que les acteurs du passé croyaient vraies
  • Les fictions de Shakespeare : comprendre « ce à quoi il s’affaire en disant ce qu’il dit »
  • Les fables de Machiavel : le prince, le lion et le renard
  • Prolonger l’analyse skinérienne en ayant recours aux faits de langue, aux faits de contexte et aux faits d’actualisation
  • La « philosophie du comme si », de Derrida (La bête et le souverain) à Freud (L’avenir d’une illusion)
  • Machiavel et la verità effetuale della cosa (chapitre 15 du Prince)
  • Qu’est-ce qu’une cosa chez Machiavel ? Les cose d’Italia
  • Qu’est-ce que la verità ? Se tenir à bonne distance des mots doucereux des adulateurs et des mots odieux des haineux
  • Claude Lefort, la vérité effective de la chose et la critique de l’imagination : « Ne lui est-il pas reproché, plutôt que d’être un rêveur, de céder à l’attrait de la toute-puissance de la pensée ? » (Écrire. À l’épreuve du politique)
  • Vedere : la vérité du politique et la vérité en peinture
  • Andar drieto alla verità effetuale della cosa : aller droit, la prose du politique
  • La politique comme vérité effective de la chose, contre la politique des choses (Jean-Claude Milner)
  • Transformer les êtres parlants en choses au nom de ce que veulent les choses : les choses ne veulent rien ; et nous, que voulons-nous ?