Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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L’économie des Ming n’était pas le type d’économie où tout le monde doit tout acheter pour arriver à vivre. Beaucoup produisaient les denrées, dont ils se nourrissaient, et les textiles, dont ils avaient besoin pour se vêtir. Mais c’était une économie dans laquelle, peut-être pour la première fois dans l’histoire de la Chine – peut-être même pour la première fois dans l’histoire du monde –, tout pouvait s’acheter et se vendre, et où tout avait un prix. C’était le prix qui déterminait les biens lancés sur le marché et ceux qui étaient gardés hors de portée des acheteurs potentiels. Dans la première conférence, « Un monde où tout a un prix », nous nous sommes demandé jusqu’à quel point l’on peut dire que l’économie des Ming était devenue une « économie de prix ». Plusieurs auteurs de la fin du xvie siècle et du début du xviie confirment que les sujets des Ming étaient parfaitement conscients de l’influence exercée par les prix sur leur existence de producteurs et de consommateurs et qu’ils se souciaient de leur vulnérabilité aux fluctuations de prix. Certains intellectuels se plaisaient à imaginer que ce serait bien de vivre dans une « économie morale » où la maisonnée produit ce qu’elle consomme ; d’autres étaient tourmentés par l’instabilité des valeurs économiques, annonciatrice à leurs yeux d’une érosion des valeurs morales, et ils mettaient en doute ce qui pour tout le monde était « la belle vie ». L’ubiquité des relations commerciales, le nombre de personnes qu’elles impliquaient et les niveaux atteints par le produit national sous les Ming ne pouvaient que rendre désuètes de telles préoccupations.