Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Par delà le niveau sémantique, l'expérience d'amorçage numérique de 1998 a été la première d'une longue série de démonstrations que les décisions élémentaires peuvent être biaisées non consciemment. Dans cette expérience, nous avions montré que même le cortex moteur reçoit des influences non-conscientes issues d'indices subliminaux. Par exemple, lorsque le sujet s'apprête à répondre qu'un chiffre cible est plus grand que 5, la présentation d'une amorce subliminale non‑congruente (un chiffre plus petit que 5) entraîne une activation détectable du cortex moteur qui commande la main opposée à la bonne réponse. Ces effets peuvent s'expliquer dans le cadre de modèles mathématiques de prise de décision par marche aléatoire avec seuil, détaillés dans le cours 2008. Le système nerveux semble prendre de telles décisions en accumulant l'évidence intimée par la cible en faveur de chacune des réponses possibles. L'amorçage subliminal et les modulations de temps de réponse qu'il induit s'expliqueraient par une accumulation partielle de l'évidence apportée par l'amorce.

Cette vision théorique a été fortement renforcée par les données quantitatives de Vorberg et al. (2003). Ces auteurs ont manipulé la quantité d'évidence apportée par l'amorce en faisant varier l'intervalle temporel amorce-masque. Dans leur expérience, la perception consciente variait de façon non-linéaire avec ce paramètre temporel. Cependant, l'effet d'amorçage subliminal, mesuré par le temps moyen de réponse, croissait de façon strictement linéaire. Ce résultat, ainsi que l'accroissement concomitant du taux d'erreurs induites par l'amorce, pouvait être capturé quantitativement par un modèle d'accumulation d'évidence.