Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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La schizophrénie est une maladie grave qui affecte environ 1 % de la population et est responsable de souffrances importantes pour les personnes atteintes et pour les soignants. Bien que des éléments de preuve importants assignent une base biologique à cette affection, le diagnostic repose toujours sur les symptômes qui comportent de manière caractéristique des hallucinations (perceptions fausses) et des illusions (croyances fausses). Au cours des dernières années, j'ai tenté de comprendre ces symptômes au niveau cognitif, au niveau neuronal et aussi au niveau de l'expérience : quel effet cela fait-il d'avoir de tels symptômes ?

Plusieurs des principaux symptômes de la schizophrénie semblent refléter une confusion entre les effets provoqués par le moi comme agent et les effets provoqués par des agents externes, par exemple lorsque le sujet entend ses propres pensées prononcées à haute voix, ou croit que des forces étrangères causent ses propres actions. Cette dernière expérience, qu'on appelle une illusion de contrôle, a été beaucoup étudiée. Ce symptôme est moins un trouble du contrôle de l'action qu'un trouble de la conscience de l'action, en particulier dans le sens de l'agentivité. On a d'abord fait l'hypothèse qu'il s'agissait d'un problème d'autocontrôle. Le patient n'a pas conscience de ses intentions à cause d'une défaillance de la décharge corollaire (ou de la copie de réafférence) chargée d'indiquer qu'un mouvement est sur le point de se produire. En conséquence, le mouvement est perçu comme provoqué par les forces externes.

Plus récemment, on a exprimé cette idée en termes d'un modèle prédictif (forward model). Quand nous effectuons une action, nous prévoyons les conséquences de l'action en termes d'effets comportementaux et sensoriels. De nombreuses expériences donnent des résultats compatibles avec l'idée que les patients présentant des illusions de contrôle ne peuvent pas faire ces prévisions. Au niveau neuronal, cette incapacité est associée à un dysfonctionnement du mécanisme chargé d'atténuer l'activité neuronale qui reflète les conséquences sensorielles des mouvements auto-générés. Ces observations impliquent que, pour un patient présentant des illusions de contrôle, un mouvement actif est véritablement perçu comme un mouvement passif.