Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La matière tragique de l’enquête sur le daimōn est assurément abondante. L’identification de diverses orientations sémantiques du terme permet de l’ordonner et de l’analyser.

La première est celle de la synonymie entre theos et daimōn, bien attestée à la période archaïque, tant au pluriel qu’au singulier. Certaines occurrences qui relèvent d’une telle alternance semblent toutefois la dépasser en ajoutant l’aspect « marqué » d’une action divine dans le monde, comme le cas de Dionysos qualifié de « daimōn manifeste » dans les Bacchantes d’Euripide(v. 22 : ἐμφανὴς δαίμων ; cf. 42).

La deuxième orientation sémantique concerne la « cristallisation » d’une action divine qui prend une consistance propre, dans le bien comme dans le mal attribué aux humains (e.g. Eur., Hécube, 162-164 ; Médée, 1389-1392). La situation « cosmique » de l’entité suprahumaine ainsi désignée semble jouer également dans le choix du mot : les dieux sur l’Olympe peuvent être placés en regard de daimones épichthoniens, « sur la terre » (e.g. Eur., Électre, 1233-1237).

La troisième voie fait passer le daimōn d’une action divine conjoncturelle, que l’on pourra parfois traduire par « le sort », à une situation structurelle où les actions s’enchaînent dans une suite que l’on peut alors désigner sous le terme de « destinée » (e.g. Eur., Alceste, 496-506 ; Médée, 1346).

La quatrième orientation est étroitement liée à la précédente et concerne ce que l’on peut appeler brièvement « le daimōn familial ». Il évoque la récurrence, de génération en génération dans une même lignée, du bonheur ou du malheur, la matière tragique faisant plutôt droit au daimōn négatif, par exemple dans la famille des Atrides ou celle des Labdacides (e.g. Esch., Sept, 812-813 ; Agamemnon, 1475‑1476).

Enfin, en cinquième et dernière instance, le nom de daimōn est attribué à des défunts comme Darius dans les Perses d’Eschyle (v. 620-621, 634), Alceste dans la pièce éponyme d’Euripide (1003), ou encore Rhésos qualifié d’anthrōpodaimōn (« homme-daimōn ») dans la pièce éponyme du pseudo-Euripide (971). Dans ce dernier cas, le contexte de l’existence post-mortem de Rhésos invite à rapprocher l’hapax anthrōpodaimōn du daimōn dios que devient Phaéthon à la fin de la Théogonie.