Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La notion de bibliothèque est au cœur du cours de cette année. À partir du contexte spécifique du débat qu’elle a suscité dans les colonnes du journal Le Temps, en octobre 1905, l’analyse de l’image des étoiles nouvelles montre la difficulté d’une interprétation littérale et univoque et permet l’émergence d’une interprétation plus psychologique, insistant davantage sur les souvenirs d’enfance de l’auteur – de son voyage de Cuba vers l’Europe –, sur la superposition du temps familial et du temps historique. En voguant vers l’Europe, le jeune Heredia découvrit les étoiles nouvelles de l’hémisphère nord. Il y aurait donc dans le sonnet un renversement du point de vue, et l’on peut se demander si la bibliothèque des étoiles nouvelles est une bibliothèque de l’hémisphère nord ou bien de l’hémisphère sud. Les difficultés d’interprétation que suscite l’image montrent qu’on a tort d’y voir seulement un référent astronomique. On pourrait n’y voir que le résultat d’une licence poétique ; autrement dit, l’effet poétique de l’image se paye au prix de son exactitude astronomique. Cette licence poétique conduit à envisager l’art du poète, selon une tradition qui inclut Edgar Allan Poe, Charles Baudelaire et Paul Valéry, comme un art probabiliste, dans la mesure où le créateur est amené à choisir une image qui lui assure la plus grande efficacité auprès du public. Sans le savoir, le poète en train de créer applique le théorème de Bayes.

Dans la poésie moderne, le critère de l’adéquation de la poésie à la réalité n’est pas un critère discriminant : la référence est moins importante que la cohérence. C’est pour cette raison précisément que l’on a intérêt à explorer la bibliothèque des étoiles nouvelles, en sachant que la notion de bibliothèque couvre une réalité plus large que celle d’intertextualité (définie comme un réseau de références positivement constatables d’un texte à un autre). On peut ainsi utiliser le néologisme de probabliothèque pour désigner des ensembles de textes ou d’occurrences qui interviennent de façon plus ou moins probable dans la généalogie d’un autre texte, d’une figure, d’une image, et dans la compréhension qu’on en peut former.