Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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S’il ne fait aucun doute que les mathématiques sont organisées comme un langage, avec leur lexique et leurs règles propres, la nature de cette « langue mathématique » et de ses liens avec la langue naturelle fait question. Pour Noam Chomsky, « les capacités mathématiques trouvent leur origine dans une abstraction à partir des opérations linguistiques ». De nombreux physiciens et mathématiciens, cependant, estiment, avec Albert Einstein, que :

[…] les mots et le langage, écrits ou parlés, ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée. Les entités psychiques qui servent d’élément à la pensée sont certains signes ou des images plus ou moins claires, qui peuvent à volonté être reproduits ou combinés.

Pour déterminer quelles aires cérébrales sont impliquées dans la réflexion mathématique de haut niveau, Marie Amalric, dans le cadre de sa thèse au laboratoire, a scanné en IRM fonctionnelle une quinzaine de mathématiciens professionnels alors qu’on leur demandait de réfléchir pendant quatre secondes à des affirmations mathématiques et non mathématiques de haut niveau, afin de les juger vraies, fausses ou absurdes. Lorsque leur réflexion portait sur des objets mathématiques, un réseau dorsal pariétal et frontal était activé, réseau qui ne présentait aucun recouvrement avec les aires du langage. À l’inverse, lorsqu’on leur demandait de réfléchir à un problème d’histoire ou de géographie, le réseau qui s’activait était complètement différent des régions mathématiques et impliquait certaines aires du langage. Il existe ainsi un réseau mathématique dans le cerveau, qui n’est pas celui du langage. Ce résultat concorde avec de nombreuses autres observations, par exemple : l’activation de ce réseau au cours de l’écoute d’histoires qui parlent de nombres, de quantités ou de mesures (travaux de Jack Gallant) ; les enregistrements intracrâniens au cours du traitement des nombres et du calcul mental (travaux de Josef Parvizi) ; ou encore le fait que certains patients aphasiques demeurent compétents en calcul et même en algèbre (travaux de Rosemary Varley).