Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Les circuits cérébraux impliqués dans le traitement syntaxique forment-ils un « module » au sens de Fodor (1983) ? Ils vérifient indubitablement plusieurs critères de modularité. Non seulement leur architecture neurale est fixe et reproductible d’un individu à l’autre ; mais leur développement est rapide et propre à l’espèce humaine. Des recherches récentes suggèrent que l’on peut, à la suite de Steven Pinker, parler d’un « instinct du langage » ou, avec Chomsky, d’un language acquisition device qui permet au très jeune enfant de faire sienne n’importe quelle langue du monde.

Dès la naissance, en effet, les bébés préfèrent écouter leur langue maternelle plutôt qu’une langue étrangère. À deux mois, l’imagerie cérébrale montre que l’écoute de la langue maternelle active déjà un réseau spécifique de l’hémisphère gauche, proche de celui de l’adulte. La phonologie de la langue maternelle se stabilise aux alentours de six mois pour les voyelles et de douze mois pour les consonnes. Dès six mois, les enfants comprennent des mots très fréquents (biberon, pied, manger, etc.). Vers la fin de la première année de vie, les enfants commencent à repérer et à utiliser les mots grammaticaux. Ils les repèrent sur la base de leur fréquence élevée, de leur longueur et de leur présence aux frontières prosodiques. Les enfants de 11 mois distinguent déjà les déterminants (le, la, des…) et les pronoms (il, elle, ma, sa…) les plus fréquents, et ils les utilisent pour repérer les noms et les verbes et pour les segmenter. Chez le bébé, la compréhension précède de beaucoup la production du langage. Cependant, dès 20 mois, lorsque l’enfant produit ses premiers syntagmes de deux ou trois mots, il en respecte la grammaire. Il est remarquable, par exemple, que l’enfant place la négation à bon escient, c’est-à-dire avant un verbe à la forme infinitive (« pas manger »), mais après un verbe conjugué (« mange pas »). La grammaire de l’enfant n’est pas identique à celle de l’adulte, mais le linguiste Luigi Rizzi fait l’hypothèse que les productions des enfants correspondent à une version tronquée des mêmes structures arborescentes.