Comment les sociétés préhistoriques ont-elles pensé la mort ? Quelles significations ont-elles attribuées aux corps des défunts, aux gestes qui les accompagnent, aux espaces dans lesquels ils reposent ? À travers les traces matérielles du traitement des corps – sépultures, restes humains manipulés, marques de découpe, dépôts secondaires, prélèvements de trophées – ce colloque entend explorer la diversité des pratiques mortuaires du Paléolithique au Néolithique, qu’elles soient funéraires, rituelles ou violentes.
L'enjeu est double : il s'agit, d'une part, de reconstituer les gestes – ensevelissements, expositions, décarnisations, cannibalisme rituel ou non –, et, d'autre part, de comprendre les logiques symboliques et sociales qui les sous-tendent. Il s'agira aussi d'interroger les limites de l'interprétation rituelle : dans certains contextes, des corps cannibalisés pourraient relever de simples usages alimentaires ou témoigner d'actes de violence et d'agression entre groupes. Ces pratiques offrent malgré tout un accès précieux à l'univers mental de sociétés sans écriture, très éloignées des nôtres par le temps, mais riches d'expressions symboliques. Les conceptions du corps, de l'identité ou des liens aux morts y étaient profondément différentes de celles qui prévalent dans les sociétés contemporaines, où la mort tend à être mise à distance du quotidien.
Dans une approche interdisciplinaire mobilisant archéologie, paléoanthropologie, taphonomie et sciences des mythes, ce colloque interrogera la manière dont les gestes autour de la mort participent à l'élaboration de systèmes de représentation, au-delà même de la disparition individuelle. En investissant la matérialité des restes des défunts, les vivants construisent des mythes, des mémoires, des appartenances – autant de récits dont nous ne percevons aujourd'hui que les traces fragmentaires, mais toujours chargées de signification.