Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
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Y a-t-il une place pour les émotions dans la justice, qu’anciens et modernes se représentent comme une figure de l’impassibilité (Valère-Maxime, Faits et dits mémorables, 6.5pr) ? Les sentiments se manifestent souvent chez les parties accablées par leurs passions, parfois par leur douleur. Mais le juge éprouve aussi des émotions. La rhétorique ancienne en est consciente et les utilise (Tacite, Dialogue des orateurs, 31). Les plaidoyers judiciaires sont le lieu où celui qui connaît le cœur humain « tient les rênes de l’esprit » de ses auditeurs. Mais le pur appel aux sentiments se distingue d’un appel plus raisonné à l’équité, afin d’émouvoir à travers les valeurs de la société. En cela, le recours à l'émotion se rapproche du droit lui-même. Pour comprendre ce double mouvement, le cours se porte sur une déclamation de Quintilien (Petite déclamation, 270) qui traite d’un drame complexe, le viol d’une fille, qui se donne la mort, et dont la jumelle prend la place pour exiger l’exécution du violeur. Qu’il s’agisse de jumelles déclenche la controverse à travers le dédoublement de la victime et sa présence au-delà de la mort. Cet exercice rhétorique, aussi émouvant qu'alambiqué, permet surtout de comprendre plusieurs dimensions de l’équité : l’aequitas comme relation de correspondance, l’aequitas comme expression d’une vision de l’homme en société et donc esquisse d’une anthropologie sociale, enfin l’aequitas comme perspective interprétative légitimant la recherche de l’esprit de la loi plutôt que le respect des mots. Le droit montre ainsi sa capacité d’absorber les émotions et de les transformer en raison et, par ce biais, de se maintenir plus ou moins en accord avec la société. C’est donc d’un (violent) désir de justice que l’équité se met parfois au service.