Conférence en anglais.
L’histoire des Turkshāhs de Kabul
L’Afghanistan est connu pour être rempli de sites et d’objets archéologiques, témoins irréfutables d’activités culturelles essentielles depuis le passé le plus lointain. En conséquence, jusqu’à l’éclatement de la guerre civile en 1979, plusieurs missions et expéditions archéologiques ont travaillé dans la région. Ces missions ont inclus principalement la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) qui célèbre cette année son centenaire, la mission archéologique italienne qui a fouillé le site de Ghazni, l’expédition britannique qui a fouillé la Vieille Qandahar, et les missions japonaises qui ont fouillé et prospecté les régions au sud de l’Hindukush et le Gandhara.
La guerre civile en Afghanistan a contraint les missions à cesser leurs activités. Cependant, elle a aussi entraîné l’apparition de nombreux matériaux hors de fouilles contrôlées. Par ailleurs, pendant l’interruption des travaux de terrain, les chercheurs ont pu consacrer plus de temps à examiner les matériaux collectés pendant des décennies de fouilles et explorations intenses. Dans le dernier quart du XXe siècle, à la suite de l’intégration de ces facteurs, on a beaucoup progressé dans la connaissance de l’histoire du royaume local qui s’est étendu le long de la rivière de Kabul du VIIe au XIe siècle ; les sources islamiques appellent ses souverains les Kabulshāhs, car une de leurs capitales était Kabul.
Le royaume des Kabulshāh émerge au milieu du VIIe siècle. Après l’assassinat du dernier roi sassanide près de Merv en 651, le Sistān (sud-ouest de l’Afghanistan) sert brièvement de tête de pont aux Arabes. L’armée stationnée là fait plusieurs tentatives pour conquérir l’Afghanistan oriental. Une armée s’empare de la ville de Kabul vers 665, mais un an plus tard la ville a été reconquise par le chef local appelé « Kabulshāh ». C’est la première attestation de ce titre dans la littérature historique musulmane. Par la suite, les souverains de Kabul en sont venus à contrôler l’Afghanistan oriental et la vallée de la rivière de Kabul, affrontant les musulmans dans l’Afghanistan méridional et au nord de l’Hindukush. On sait cependant qu’il y a eu un changement de lignée royale à un certain moment au IXe siècle. La première lignée est appelée Turkshāhs, car ils sont décrits comme des Turcs dans les sources musulmanes, tandis que la seconde est appelée Hindushāhs, car ils venaient probablement des régions à l’est de la Passe de Khyber.
À la suite des efforts des archéologues, des numismates et des historiens dans les dernières décennies, on a découvert beaucoup plus sur la première ligne des Kabulshāhs, les Turkshāhs, que ce qu’on savait dans les années 1980. Dans cette conférence, on se propose de présenter dans ses grandes lignes l’histoire de ces souverains turcs sur la base des nouvelles recherches.
Minoru Inaba est invité par l’assemblée du Collège de France, sur proposition du Pr Frantz Grenet.