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Les mythes sont transformés, modifiés, révisés selon les nécessités de temps et de lieu, mais pour l’essentiel un mythe reste inchangé car il n’est pas le fruit d’une pure élucubration de l’imagination humaine mais d’une manifestation concrète de certaines intuitions individuelles et sociales primordiales. Les spécialistes des neurosciences ont étudié les processus par lesquels l’esprit humain conçoit des histoires et, bien qu’ils ne soient pas encore parvenus à déterminer à quel point de son évolution notre espèce a acquis l’aptitude à imaginer des expériences, les circuits de cette faculté ont été reconnus jusqu’à un certain point. Étant donné qu’il semble impossible d’étudier le cycle précis de la naissance, de l’évolution et de la transformation de l’imagination, il pourrait être utile d’identifier certains mythes européens fondateurs et de considérer leur réception et leurs transformations en fonction de différentes périodes de l’histoire intellectuelle de l’Europe.

Le choix entre les mythes est vaste, mais puisqu’il faut choisir, nous nous intéresserons à huit mythes qui, d’une manière ou d’une autre, illustrent des caractères qui définissent ce que nous avons pris l’habitude d’appeler l’Europe. Les huit mythes choisis sont ceux qu’ont imaginés Homère (Ulysse et Achille), Dante (le Pèlerin), Cervantès (Don Quichotte), Shakespeare (Hamlet), Mary Shelley (le monstre de Frankenstein), Goethe (Faust), Kafka (K) et Virginia Woolf (Orlando). Nous considérerons également ceux de Virgile (Enée), Camões (Vasco de Gama), Lewis Carroll (Alice), Voltaire (Candide) et Daniel Defoe (Robinson Crusoé).

Roberto Calasso, dans son exploration de la signification des mythes, a comparé le mythe à une branche d’un arbre immense. « Pour le comprendre, dit Calasso, une certaine perception est nécessaire de l’arbre entier et des abondantes ramifications qui s’y trouvent cachées. Mais l’arbre n’est plus, des cognées bien affûtées l’ont abattu. » Nous tenterons de visualiser l’arbre disparu grâce à quelques-unes de ses branches restées vivantes qui confèrent peut-être aux peuples d’Europe une commune identité intuitive.

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