Salle 2, Site Marcelin Berthelot
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Au cours de cette leçon d’introduction, nous avons tout d’abord analysé et décrit dans un contexte très général l’histoire de l’élément carbone et des matériaux carbonés. L’élément carbone découvert par Antoine Lavoisier en 1772 est principalement produit par nucléosynthèse dans les étoiles géantes rouges par fusion de trois noyaux d’hélium. Il est le quatrième élément le plus abondant dans l’Univers après l’hydrogène, l’hélium et l’oxygène. Sur Terre, il est principalement (à hauteur de 99,95 %) piégé sous la forme de minéraux tels que la craie, le carbonate de calcium. Sa structure électronique et son électronégativité lui ouvrent de nombreuses possibilités d’hybridation et d’association avec d’autres éléments, ce qui est source d’une très grande richesse structurale que l’on retrouve dans les nombreuses molécules et architectures organiques ainsi que d’une grande variété de matériaux carbonés (les carbones). De ce fait, le carbone est l’élément essentiel à la construction des structures de la vie ; le corps humain, par exemple, en contient 18 %. Nous avons ensuite établi les liens entre l’élément carbone et les carbones en suivant deux voies principales : l’une littéraire et l’autre géologique. La première voie nous a permis de redécouvrir le livre de Primo Levi, Le Système périodique1, dans lequel, sous la plume de l’auteur, docteur en chimie, l’élément carbone parcourt un voyage à la fois chimique et littéraire, depuis la craie jusqu’à la matière biologique constituant le cerveau. Celui-ci déclenche l’acte d’écrire avec un crayon à papier dont la mine est constituée d’un composite à base de carbone graphite. Nous avons ensuite décrit la formation des matériaux carbonés naturels (tourbe, lignite, houille, anthracite, etc.) qui débuta au Carbonifère en suivant des phénomènes de diagenèse, puis des processus de métamorphisme. Les conditions géologiques extrêmes (hautes pressions et hautes températures) entraînent la cristallisation de ces matériaux carbonés principalement sous les formes cristallines de structure diamant ou graphite. Nous avons ensuite décrit l’histoire des matériaux carbonés dans l’humanité, en partant du geste de l’artiste préhistorique qui utilisait la couleur noire du carbone pour la réalisation de fresques et de dessins jusqu’à l’avènement récent des nanotechnologies, utilisant alors de nouveaux matériaux carbonés tels que les nanodiamants, les fullérènes, les nanotubes de carbone et les graphènes. Ce long voyage à travers le temps nous a permis de retracer le rôle majeur des divers charbons et carbones qui ont été utilisés depuis 3 750 av. J.-C. jusqu’à nos jours comme filtres, adsorbeurs, source d’énergie (machine à vapeur, chauffage industriel et domestique, gaz d’éclairage, centrales de production d’électricité, etc.) ou en tant que composés impliqués dans la synthèse des matériaux métalliques issus des industries lourdes (sidérurgie, métallurgie de l’aluminium, etc.). La science du carbone n’a quant à elle débuté réellement qu’au XVIIIsiècle et s’est développée au cours des deux siècles suivants. Elle s’est construite à la fois grâce à des projets d’applications (filtres, décolorants, conducteurs de courant pour lampe à incandescence, coke dans les hauts-fourneaux, fontes et aciers, etc.) et fondamentaux (théorie de l’adsorption, analyse structurale, diagrammes de phase métal-carbone, découverte des nouveaux carbones et étude de leurs propriétés physiques, etc.). Le carbone a réellement été le vecteur des révolutions industrielles qui ont eu lieu vers la fin de notre deuxième millénaire. Ces vingt dernières années ont été une période passionnante pour le domaine des matériaux carbonés ; leurs découvertes ou redécouvertes ont attiré l’attention et l’imagination de nombreux chercheurs dans le monde entier. D’énormes efforts de recherche et de développement ont été consacrés aux études de ces nouveaux allotropes du carbone (nanodiamants, fullérènes, nanotubes de carbone, graphènes, etc.). Les résultats obtenus ont considérablement étendu notre compréhension de la science fondamentale à l’échelle nanométrique et créé des opportunités pour les technologies futures. En effet, ces nouveaux nanomatériaux carbonés – avec des structures tri-, bi-, mono- ou zéro dimensionnelles issus des laboratoires de recherche – ne semblent pas être en reste par rapport à leurs prédécesseurs, leurs propriétés (électroniques, mécaniques, densité, etc.) exceptionnelles soulevant un grand nombre de questions fondamentales et ouvrant déjà la voie à de nombreuses possibilités d’applications dans les domaines de l’énergie, de l’environnement, des sciences et technologies de l’information et de la communication, et de la santé.


[1]. Primo Levi, Le Système périodique [1975], Paris, Albin Michel, 1987.