Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Olivier Christin a d’abord rappelé qu’après une longue éclipse entre la période du Principat et le xiie siècle, le principe majoritaire a connu une résurgence notable malgré une forte résistance contre laquelle il a dû parvenir à s’imposer. L’idéal d’unanimité, et de l’élection par l’inspiration qui y était associée, était en effet encore très prégnant dans une société obsédée par son unité et la menace des schismes.

Pour l’historien, des garanties juridiques ont dû être créées pour rendre acceptable un principe de majorité qui revenait à confier à une partie d’un collectif une décision qui devait s’imposer à l’ensemble du groupe. Conçue dans le but de reconstituer un vote unanime, la procédure de l’« accès » permit aux électeurs de revenir sur leur choix et de rejoindre le camp des vainqueurs. Le principe de « saniorité » devait également contribuer à réconcilier la loi du nombre et la prise en considération de l’inégalité des candidats et des électeurs. Enfin, il fallut établir les conditions de stabilisation et de fermeture des collèges électoraux. Selon Olivier Christin, ce serait donc un contresens de voir dans le principe majoritaire le synonyme d’une démocratisation des sociétés modernes ; il n’était que la condition d’une institutionnalisation des pouvoirs : voter à l’époque moderne, c’était prendre part à la formation collective d’un corps, permettre à ce corps de parler d’une voix.

Olivier Christin a ensuite proposé une anthropologie historique des pratiques du vote à partir de quatre exemples (l’élection de l’abbé général de l’Ordre de Cîteaux, une affaire virtuelle inventée par un auteur de droit canon, l’affrontement entre deux candidats pour représenter la nation de France à la Faculté de Paris, la réforme des modalités de vote à la Compagnie des Indes orientales) visant à montrer que le principe majoritaire ne s’est pas imposé partout comme un principe de justice. Deux conclusions principales ont pu être tirées de ces exemples : la majorité était un produit sociologique ou politique, non arithmétique ; l’élection n’avait d’autre fin que de perpétuer l’institution.

Biographie

Olivier Christin est professeur d’histoire moderne à l’université de Neufchâtel et directeur d’études à l’École pratique des hautes études, section des sciences religieuses. Sur le vote, il a notamment publié « Voting’s double history : Ancien Régime Ballots », Constellations, An international journal of critical and democratic theory, mars 2004 ; et « À quoi sert de voter aux XVIe‑XVIIIe siècles », Actes de la recherche en sciences sociales, janvier 2002.

Intervenants

Olivier Christin

professeur d’histoire moderne à l’université de Neufchâtel et directeur d’études à l’École pratique des hautes études, section des sciences religieuses