Dans le cadre du cycle « Faire connaissance... », organisé par le Collège de France et le réseau des bibliothèques municipales de la Ville de Paris, Wajdi Mouawad, professeur invité au Collège de France sur la chaire annuelle Invention de l’Europe par les langues et les cultures en 2024-2025, donnera le mercredi 8 octobre 2025 à 19 h, une conférence intitulée « Mettre fin à la tragédie », en compagnie de la journaliste Laure Adler.
La conférence aura lieu à la médiathèque Marguerite Duras, 115 rue de Bagnolet, Paris 20e.

Wajdi Mouawad, enfant au Liban, adolescent à Paris, jeune adulte au Québec, Wajdi Mouawad vit en France aujourd’hui. Diplômé de l’École nationale d’art dramatique du Canada en 1991, il signe des adaptations et mises en scène de pièces contemporaines, classiques et de ses propres textes. Directeur artistique du Théâtre de Quat’Sous à Montréal, en 2000, puis du Théâtre français du Centre national des Arts à Ottawa, en 2007, il est artiste associé du 63e Festival d’Avignon où il crée Le Sang des Promesses avec Littoral, Incendies, Forêts et Ciels. Il se réapproprie ensuite les tragédies de Sophocle dont son solo Inflammation du verbe vivre, puis crée le cycle Domestique avec Seuls qu’il interprète en tournée, Sœurs et Mère. Directeur de La Colline – théâtre national depuis 2016, il y présente ses créations Tous des oiseaux, Notre innocence, Fauves, Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge, Littoral et Racine carrée du verbe être. Publié en 2012, son second roman Anima a été récompensé à plusieurs reprises.
Après avoir monté les opéras L’Enlèvement au sérail de Mozart puis Œdipe d’Enesco en 2021, il se consacrera prochainement à Pelléas et Mélisande de Debussy, à l’Opéra de Paris, et Iphigénie en Tauride de Gluck à l’Opéra-Comique, ainsi qu’à deux de ses premiers textes Journée de noces chez les Cromagnons et Willy Protagoras enfermé dans les toilettes, à La Colline.
En 2024-2025, il a été invité à occuper la chaire annuelle Invention de l’Europe par les langues et les cultures du Collège de France.
Résumé de la conférence de M. Mouawad :
Il faut faire de longs détours pour parvenir à parler de la difficulté de finir une tragédie ou, pour inverser la question, interroger la tragédie du verbe finir dont le malheur est de s’échouer à mesure que sa nécessité se fait sentir. Tragédie du verbe qui ne se conjugue que rarement au moment où il le faut, de l’incommensurable difficulté que ce verbe a à advenir dès lors que sonne le temps de mettre un terme à la dévastation, comme si à mesure que la fin approche, ce verbe cessait d’exister, fondait, se dissolvait dans le désordre de l’humanité et de sa conscience, comme si ce verbe, pour être conjugué, exigeait un dépassement, un sacrifice, une dette à régler pour compenser la facilité du verbe commencer. Car il faut bien reconnaître le déséquilibre entre commencer et finir, déséquilibre que l’histoire du sang n’a de cesse de nous le rappeler : si les hommes savent comment commencer un massacre, ils n’ont que très rarement trouvé comment le finir. C’est en autre chose, cette incapacité à mettre un terme à la tragédie qui fait de la tragédie une manifestation, un syndrome d’une erreur, d’une chute, d’un échec. Finir une tragédie, c’est donc, en quelque sorte, assumer la défaite et ce n’est qu’une fois assumée, qu’une fois les mots pour la raconter, la transmettre et faire d’elle une vigie pour éviter son recommencement que l’on peut commencer à la regarder comme source d’espoir et d’humanité pour l’avenir. Mais entre le massacre et l’humanité, le chemin est effroyable et est semé de pièges.
Les conférences du cycle "Faire connaissance...", qui s’adressent au grand public, laissent leur place à la variété des disciplines présentes au Collège de France : l’histoire, l’économie, la sociologie, les lettres, mais aussi la biologie, la chimie, les mathématiques ou les sciences de l’évolution sont ainsi mises à contribution.
Grâce à ce rendez-vous, les bibliothèques de la Ville de Paris s’inscrivent dans leur mission de diffusion des savoirs et souhaitent lutter contre la désinformation en offrant au public des moments de décryptage et d’approfondissement dans certains domaines de la connaissance. Il s’agit aussi d’ouvrir une fenêtre sur le monde de la recherche et son fonctionnement, et de rapprocher les Parisiens d’une institution exceptionnelle, le Collège de France, au cœur de la vie intellectuelle et scientifique de la cité depuis cinq siècles.