
Dominique Charpin, dans son ouvrage En quête de Ninive. Des savants français à la découverte de la Mésopotamie (Collège de France/Les Belles Lettres, 2022), revient longuement sur la carrière de Jules Oppert et son rôle dans le développement de l’assyriologie. Lecture indispensable pour compléter ou anticiper la visite de l’exposition « Jules Oppert et la découverte de la Mésopotamie (1850-1905) », présentée à l’Institut des Civilisations, du 18 juin au 21 septembre 2025 !
Dans l’extrait ci-dessous (p. 67), Dominique Charpin expose les rivalités entre les deux grands savants Oppert et Renan, tous deux professeurs au Collège de France, s’interrogeant sur l’assyrien, langue qui vient tout juste d’être découverte :
La nature de la langue assyrienne fit l’objet d’une polémique entre Renan et Oppert, ce dernier considérant (avec raison) qu’il s’agissait d’une langue sémitique. Oppert répliqua à Renan avec sa verve coutumière :
« M. Renan dit : “La langue sémitique que nous donne M. Oppert blesse en plusieurs points le sentiment que je crois avoir d'une langue sémitique.” En plusieurs points, mais non pas dans les points principaux, non pas dans tous les points. Et puisque nous retrouvons les mêmes phénomènes dans toutes les familles sémitiques, nous tournons même le syllogisme de M. Renan contre lui. Notre savant critique semble dire :
La langue assyrienne blesse le sentiment de M. Renan sur les langues sémitiques en plusieurs points :
Donc la langue assyrienne n'est pas sémitique ;
Nous, qui ne constatons que des faits, nous dirons :
La langue assyrienne blesse le sentiment de M. Renan sur les langues sémitiques en plusieurs points :
Donc M. Renan n'a peut-être pas le vrai sentiment de ces idiomes. »
Et d'ajouter avec humour :
« Que les Assyriens sémitiques ont accepté une écriture d'une autre nation, tandis qu'ils pouvaient en choisir une qui aurait mieux convenu à leur langue, c'est regrettable, mais ce n'est pas la faute de MM. les assyriologues. »