Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La première conférence reviendra sur les conditions d’émergence de la notion de souveraineté alimentaire. Portée par le mouvement transnational de paysans la Via Campesina au début des années 1990, l’idée de souveraineté alimentaire a été mise en avant afin de proposer une alternative à la mise en concurrence des agricultures du monde annoncée par l’adoption de l’Accord sur l’agriculture parmi les accords de l’Organisation mondiale du commerce.

C’est en effet au moment où se clôt le cycle de négociations commerciales de Punta del Este au sein du GATT (1986-1994), qui allait donner lieu à la mise sur pied de l’OMC en 1995, que le mouvement paysan exprime son refus de voir l’évolution de l’agriculture soumise aux exigences du commerce international, et propose au contraire que l’on donne la priorité à la production alimentaire qui satisfait les besoins des communautés locales, en reléguant le commerce international (et l’agriculture d’exportation) à un rôle subsidiaire. Ce débat entre libéralisation progressive du commerce des produits agricoles d’une part, et souveraineté alimentaire de l’autre, dépasse le seul champ de l’organisation du commerce international. Il recouvre aussi des enjeux agronomiques, sanitaires et géopolitiques, ainsi que des enjeux démocratiques : derrière la revendication de souveraineté alimentaire, en effet, s’exprime aussi une exigence d’autonomie et de reconquête démocratique des systèmes alimentaires, afin d’éviter que les choix de politique agricole et alimentaire soient dictés par une exigence de compétitivité et donc par la quête d’économies d’échelle, amenant une subordination de la petite agriculture paysanne aux attentes des grandes firmes de l’agroalimentaire et des chaînes mondiales de valeur.

Cette opposition entre deux modèles de développement de l’agriculture et des systèmes alimentaires a structuré les débats sur la réforme des systèmes alimentaires depuis 1990, et a débouché sur une progressive substitution du paradigme de la souveraineté alimentaire au paradigme de la libéralisation du commerce des produits agricoles : l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU, en décembre 2018, d’une Déclaration sur les droits des paysans et paysannes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, qui inclut la notion de souveraineté alimentaire, vient consacrer ce renversement.