L'empreinte : vivre avec la peste

La pensée du vivant, confrontée aujourd’hui à l’actualité pandémique, oblige à considérer différemment les modes d’existence du « vivre » avec l’épidémie. Quand la peste devient endémique, elle laisse son empreinte dans le corps de ceux qui lui survivent. On évoque les conséquences de son passage sur le régime démographique, mais aussi sur l’état de santé des populations survivantes, en s’interrogeant ultimement, à partir de quelques chantiers urbains, sur la trace qu’elle y laisse, entendue comme usure et comme événement.

Sommaire

• « Nous ne sommes pas le nombre que nous croyions être » (Bruno Latour, Les Microbes. Guerre et Paix, 1984)
• La nature se venge-t-elle ? Sur quelques risques méthodologiques de la pensée du vivant (Simon Schaffer, « The Eighteenth Brumaire of Bruno Latour », Studies in History and Philosophy of Science, 1991)
• La Terre est une pelote d’embrouilles (Patrice Maniglier, Le philosophe, la Terre et le virus. Bruno Latour expliqué par l’actualité, 2021)
• La pandémie comme fait social total (Frédéric Keck, « Pandémie », dans Didier Fassin dir., La société qui vient, 2022)
• Guerre d’extermination ou guerre d’occupation ? L’espèce humaine comme impasse épidémiologique
• Enquête sur un nombre qui rend fou : les 42 836 486 morts de Johannes Nohl (Gautier Dietrich)
• Peste, choléra et enquête hygiéniste (Jean-Antoine-François Ozanam, Histoire médicale générale et particulière des maladies épidémiques contagieuses et épizootiques qui ont régné en Europe depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, 1835)
• Une somme, plusieurs échelles : « Ce qui est impossible, ce n’est pas le voisinage des choses, c’est le site lui‑même où elles pourraient voisiner » (Michel Foucault, Les Mots et les Choses, 1966)
• À la recherche des trois dernières décimales : de Justus Hecker (1833) à Henry Knighton (1396) en passant par Cyriacus Spangenberg (1572), Joshua Barnes (1688) et Thomas Short (1749)
• « Doucement, messieurs les morts, procédons par ordre, s’il vous plaît » (Jules Michelet, Histoire de France, t. 2, 1833) : faire l’histoire de ceux qui restent
• Les anciens malades de la peste : guérison, séquelles, immunité
• Pression de sélection, groupes sanguins et réponse immunitaire aux maladies émergentes
• L’impact du passage de la peste sur l’évolution phénotypique du génome humain (Maria Emilia Carloni, Javier Pizzaro-Cerda et Christian Demeure, « Sélection génétique par les épidémies de peste » [Institut Pasteur, 2021 : https://planet-vie.ens.fr/thematiques/sante/pathologies/selection-genetique-par-les-pandemies-de-peste])
• L’état de santé des populations survivante : un nouveau chantier de l’archéodémographie (Sharon DeWitte, « Stress, sex, and plague: Patterns of developmental stress and survival in pre- and post-Black Death London ». American Journal of Human Biology, 2018)
• Établir le sex-ratio et la pyramide des âges des victimes de la peste (Sacha Kacki, « Recherches bio-archéologiques sur la peste noire : avancées récentes et perspectives », colloque du 6 octobre 2021)
• La mort des enfants dans les témoignages des contemporains (Samuel Cohn, The Black Death Transformed, 2002)
• Le biais statistique des analyses de surmortalité (Guido Alfani et Marco Bonetti, « A Survival Analysis of the Last Great European Plagues: The Case of Nonantola (Northern Italy) in 1630 », Population Studies, 73, 2019)
• La peste comme constante d’un nouveau régime démographique ? Classes creuses et société vieillissante (Boris Bove, Le Temps de la guerre de Cent Ans, 2009)
• Des familles prolifiques, mais pas des familles nombreuses : quand la mort passe parmi les siens (Jean-Louis Biget et Jean Tricard, « Livres de raison et démographie familiale en Limousin au XV^e siècle », Annales de démographie historique, 1981)
• Dans les années 1430, « Hiroshima en Normandie » (Guy Bois, Crise du féodalisme. Économie rurale et démographie en Normandie orientale du début du XIV^e siècle au milieu du XVI^e siècle, Paris, 1976)
• Jeux d’échelles et temporalités : les paysages urbains de la peste à Dijon au XV^e siècle (Pierre Galanaud, Anne Galanaud et Patrick Giraudoux, « Historical Epidemics Cartography Generated by Spatial Analysis: Mapping the Heterogeneity of Three Medieval “Plagues” in Dijon ». PLoS ONE, 2015)
• Al Maqrizi, arpenteur de l’emprise des ruines du Caire : la ruine comme usure et comme événement (Julien Loiseau, Reconstruire la maison du Sultan. Ruine et recomposition de l'ordre urbain au Caire (1350-1450), 2011)
• « La ruine est, en Égypte, la meilleure ennemie de l’historien. Elle recouvre et vide de sens les débris naufragés du passé, dans le temps même où tout fait croire qu’elle les a laissés en place et conservés » (Julien Loiseau, « L’histoire désurbanisée. À propos de Qûs et des travaux de Jean-Claude Garcin », Afrique & histoire, 2006)
• Traces de pas, pas de trace : quand l’historien relève les empreintes