Résumé
L’hypothèse qui guide cette séance (et la suivante) est que la période napoléonienne est un jalon essentiel pour comprendre la transformation des langages de l’universel hérités des Lumières et leur reprise dans un contexte impérialiste. Nous commençons par l’expédition d’Égypte (1798-1801), en nous intéressant tout particulièrement à la politique de Bonaparte à l’égard des musulmans. Dès ses premières proclamations, le général républicain n’a cessé de se référer à l’Islam et au Coran, allant jusqu’à affirmer que les soldats français étaient « de vrais musulmans » et que lui-même envisageait de se convertir. Faut-il y voir de l’hypocrisie stratégique et du machiavélisme politique ou un nouvel impérialisme permis par la sécularisation de la pensée européenne ? Il convient de mettre en perspective cette politique, qui était sans doute davantage qu’une rhétorique, avec les mutations des images de l’Islam au XVIIIe siècle, et tout particulièrement celle de Mahomet, perçu à la fin du siècle comme un grand législateur et un fondateur d’empire. On peut alors revenir à l’expédition pour mieux comprendre ses ambivalences, entre le rêve universaliste d’une régénération de l’Égypte par la liberté politique, d’une part, et la volonté d’assimilation culturelle par adhésion à la Grande Nation, de l’autre. Finalement, et malgré l’impulsion décisive donnée à l’égyptologie savante, il faut aussi prendre la mesure, en se tournant vers des sources arabes et ottomanes, de l’échec que furent l’invasion et l’occupation de l’Égypte.