Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Lorsqu’il surgit dans la Chronique dite de Jean de Venette ou sous la plume de Pétrarque, le mot pestis n’a pas le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. Pour tenter de l’approcher, la séance explore les mentions de pestis, pestilentia et epidemia dans les textes latins, et remonte au loimos grec. Celui-ci désigne moins une étiologie qu’une trame narrative : on remonte donc à la « scène originelle » décrite par Thucydide dans La guerre du Péloponnèse pour en décrire la portée ultérieure, par ekphrasis pathétique : de Boccace à Defoe, et jusqu’à Camus, la peste est ce qui échappe à la mesure de l’homme.

Sommaire

  • Videtur quod author hic obut : frère John Clyn et les Annales d’Irlande en 1349
  • « Tous se figent alors. Tout va peut-être finir. Au bout de quelques secondes tout reprend » (Samuel Becket, Le dépeupleur, 1970)
  • La Chronique dite de Jean de Venette, ou la mise en défaut d’un « temps annoncé » (Colette Beaune)
  • « Cette maladie ou peste était appelée épidémie par les médecins »
  •  Epidemia dans le corpus hippocratique (Véronique Boudon-Millot)
  • Gallien et la pestilentia comme trame narrative
  • « Quoi encore ? On avait entendu le mot “peste”, on l’avait lu dans les livres. On n’avait jamais entendu parler d’une peste universelle qui allait épuiser le monde » (Pétrarque, Seniles, X, 2)
  • La scène originelle : Thucydide, La  guerre du Péloponnèse et la peste d’Athènes
  • Voir venir : l’autopsia de Thucydide et l’acribie de l’histoire (François Hartog, L’évidence de l’histoire. Ce que voient les historiens, 2005)
  • « Les mots sont impuissants à décrire les caractéristiques de ce mal. Il infligea à ceux qui furent touchés une épreuve dépassant les forces humaines » (Thucydide, II, 50)
  • Limos et Loimos : deux noms sur le bout de la langue (Jacques Jouanna)
  • Il n’y a pas eu d’oracle, il n’y aura pas de remède : quand les médecins « s’abandonnent au mal »
  • La guerre commence, la belle mort est finie (Nicole Loraux, « Un absent de l’histoire. Le corps dans l’historiographie thucydidéenne », Métis, 1997)
  • De quelle maladie sont morts les Athéniens en 430-327 avant notre ère ? La ronde sans fin des diagnostics rétrospectifs
  • Impact émotionnel, latence et conjuration théâtrale (Robin Mitchell-Boyask, Plague and the Athenian Imagination, 2008)
  • Traduire Thucydide : le théâtre de la cruauté et les malheurs universels du monde (Brenton Hobart, La Peste à la Renaissance. L’imaginaire d’un fléau dans la littérature au XVIe siècle, 2020)
  • De Thucydide à Boccace, au filtre de Lucrèce (Giovanni Getto,  « La peste del Decamerone e il problema della fonte lucreziana », Giornale storico della Letteratura italiana, 1958)
  • « Pouvoir tout regarder d’un esprit que rien ne trouble » (Lucrèce, De natura rerum, V, 1203) : la peste devient un « mythe philosophique » (Monica Gale, Myth and Poetry in Lucretius, 1994)
  • L’ekphrasis pathétique du récit thucydidéen chez les auteurs latins : entre mimésis du vrai et mimésis du texte (Benoît Rossignol, rencontre de l’ANR PSCHEET à l’Ecole française de Rome, juin 2019)
  • La pestis dans la pharmacopée plinienne : le monde exubérant du danger pernicieux et de la peur (Valérie Bonet, colloque Loimos, pestis, pestes, Marseille 2020 : Musées de Marseille)
  • La peur comme modalité de contagion des esprits en cas de pestilentia (Diane Ruiz-Moiret, colloque Loimos, pestis, pestes, Marseille 2020)
  • « Il comprend qu’il n’avait pas compris jusque-là Thucydide et Lucrèce » (Paul Demont  « Le journal de Philippe Stephan dans la première version de La Peste d’Albert Camus », Revue d’histoire littéraire de la France, 2009)
  • La Peste, la séparation et la guerre d’occupation (Frédéric Keck, Signaux d’alerte, 2020)
  • « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de représenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas » (Daniel Defoe, Journal de l’année de la Peste, 1722)
  • La peste, le mal, l’écriture : « … encore que rien de ce que l’on en dira n’en puisse donner une idée exacte à qui n’y a pas assisté, sinon que ce fut très, très, très affreux et qu’aucune langue ne saurait en exprimer l’horreur »
  • « La peste, avant d’être la peste, se sera tellement laissée infecter par l’imagination de la peste. Ses futurs antérieurs. Ses prémonitions. Les hommes, dans la peste, se souviendront (futur) qu’il y avait eu (plus-que-parfait) des présages. Ils régleront leurs souvenirs sur ce qui leur arrivera écrit Thucydide en réponse à la question ; comment la mémoire des temps se garde-t-elle quand même ? » (Georges Didi-Huberman, Memorandum de la peste, 1983)