Le but premier de la chaire d'Histoire des systèmes de pensée de l'Inde est de contribuer à dissiper le préjugé tenace (foncièrement eurocentrique mais aujourd’hui ancré jusqu'en Asie du Sud) selon lequel la philosophie proprement dite serait demeurée l'apanage de l'Occident, l'Inde ayant été trop absorbée par ses aspirations spirituelles, religieuses ou mystiques pour chercher à produire et à organiser en systèmes des concepts véritablement philosophiques. De puissants courants religieux se sont certes développés sur le sous-continent indien, avec leurs dogmes, leurs rites, leurs images, leurs Écritures et leur herméneutique. Néanmoins, la philosophie – entendue d’abord comme discours portant sur la totalité de l’existence et fondé sur l'expérience commune et le raisonnement inférentiel plutôt que sur la foi ou l'autorité scripturaire – a constitué pendant mille cinq cents ans au moins une composante essentielle de la vie intellectuelle de l'Asie du Sud, ainsi qu'un terrain de lutte et de rencontres remarquablement fécond pour ces mouvements religieux rivaux.
Le cours examine les grandes controverses autour desquelles ces rivalités se sont cristallisées, principalement au cours du premier millénaire de notre ère, pour comprendre comment s'est élaboré cet univers conceptuel commun, comment des systèmes raffinés et originaux en ont émergé, et comment les auteurs indiens eux-mêmes ont pensé les rapports complexes entre enquête philosophique et religiosité. Il prend également en compte les traditions savantes qui ont, à divers degrés, informé les discours philosophiques (et ont parfois reçu leur influence en retour), mais n'en ont pas moins revendiqué une forme d'indépendance à leur égard : grammaire, mathématiques, astronomie, médecine, traités de poétique, de peinture ou d'architecture. Il s'interroge, enfin, sur les conditions matérielles et sociales de la pratique philosophique dans l'Inde prémoderne.
Le séminaire est consacré aux recherches philologiques indispensables à cette exploration, car nombreux sont les textes sanskrits qui n’ont pas encore fait l’objet d'une édition critique ou d'une traduction fiable dans une langue moderne.
Héritière de la longue et riche tradition indianiste du Collège de France (qui fut en 1814 la première institution européenne à se doter d'une chaire consacrée au sanskrit), la chaire actuelle est associée, au sein de l'Institut des Civilisations, au Centre d'études indiennes et centrasiatiques, lequel abrite une importante bibliothèque spécialisée et publie une collection de monographies.