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Anne Cheng présente son cours dans la série les courTs du Collège de France.

Le cycle de cours précédent s’était attaché à identifier les éléments fondateurs de la civilisation chinoise, et tout particulièrement ce qui en a constitué le socle et l’armature, à savoir ce que nous avons appelé le continuisme anthropocosmique dont la culture ritualiste et le culte ancestral sont parmi les expressions les plus centrales et les plus pérennes. Le cours de l’année dernière a inauguré un nouveau cycle en prenant le parti de déplacer radicalement le point de vue et d’envisager la civilisation chinoise à partir de son dehors. Pour ce faire, quelles meilleures perspectives que celles offertes par ses voisins immédiats, le monde indien d’un côté, et le Japon de l’autre ? Sujet à la portée actuelle s’il en fut, à l’heure où la Chine se présente – et est perçue par le reste du monde – comme étant en pleine montée en puissance et en position de faire prévaloir une prétention à l’universalité qu’elle aurait exercée sur sa périphérie pendant des siècles. Les événements récents, qui montrent que la Chine a tendance à confondre prétention à l’universalité et ambition hégémonique, sont autant de preuves de l’importance d’une réflexion de fond ancrée dans une perspective critique et une mémoire historique dans la longue durée.

Dans le patient travail d’investigation que nous avons entrepris, loin des clichés journalistiques et des généralisations hâtives, il a fallu commencer par évaluer la validité de la vision centrée, centripète et centralisatrice élaborée par le monde chinois dans son projet civilisationnel. Ne faut-il pas aller au-delà de cette représentation qui, pour prégnante et tenace qu’elle ait été, a été le plus souvent contestée, voire contrecarrée par la réalité des faits ? Est-il justifié de parler de « la Chine » comme si elle avait constitué de tout temps une entité massive, autoréférentielle et autosuffisante, telle qu’elle prétend l’être aujourd’hui ? Ne devrions-nous pas nous interroger sur les diverses manières dont elle a appréhendé, cherché (ou non) à connaître et à comprendre le monde, à se situer et à se repérer dans un espace plus vaste qu’elle, à entrer en relation ou à être confrontée avec des réalités autres, quitte à se trouver ébranlée dans son fondement même ? En somme, ne serait-il pas temps de considérer la Chine dans ses rapports au monde, plutôt que comme un monde en soi ?

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