Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Le deuxième cours a présenté le cade général, béhavioriste logique, de la critique de la « légende intellectualiste », ou du « mythe du cartésianisme [1] », à quoi Ryle substitue une représentation des états mentaux à même de déterminer ce que valent les termes censés les désigner. Si le savoir faire relève de dispositions connaissables par leurs manifestations, et si les termes qui nous servent à désigner des conduites mentales leur sont applicables, alors ces termes ont une signification : on peut, en les repérant et en les évaluant, les relier à des concepts clés de la théorie de l’action et procéder à des évaluations éthiques. On a explicité les mécanismes à l’œuvre dans la légende intellectualiste qui nous font opérer une bipartition indue entre, d’un côté, « l’intelligence », dont les « exercices » seraient « ces actes internes consistant à considérer des propositions » et, de l’autre, les « activités pratiques » qui ne mériteraient le titre d’« intelligentes » que parce qu’elles s’accompagneraient de tels actes internes. On a présenté les deux raisons qui, selon Ryle, président à cette bipartition : la première, héritée des Grecs, qui nous pousse « à considérer les opérations intellectuelles comme le centre même de la conduite mentale » et à privilégier ainsi, dans les capacités intellectuelles, l’activité théorique dont le but est la connaissance de propositions vraies ou de faits (comme en mathématiques), parce qu’on y voit la supériorité de l’homme sur l’animal et la source de la supériorité de l’homme civilisé. Dès lors, il faudra « montrer que « l’activité théorisante est une pratique parmi d’autres et peut être, elle aussi, intelligemment ou bêtement menée [2] ». Quant à la deuxième raison, elle est liée au « dogme du fantôme dans la machine », cette tendance à identifier l’esprit à « l’endroit » où s’élaborent des pensées secrètes et à concevoir l’activité théorique sous la forme d’un monologue intérieur, privé ou muet. On a montré que cette critique de Ryle n’est ni nouvelle, ni propre à lui. On la trouve notamment, dès 1868, chez C.S. Peirce, mais aussi chez Wittgenstein. On a précisé les nombreux points communs entre les trois philosophes, tant dans le diagnostic que dans les remèdes à apporter, mais on a aussi insisté sur les nuances entre eux, fort riches d’enseignements pour la suite. Parmi les premiers arguments invoqués par Ryle dans sa critique de l’intellectualisme, on a relevé la régression à l’infini calamiteuse que celui-ci induit. Il s’agit pour Ryle de démontrer qu’il est « impossible de définir le savoir faire comme un savoir propositionnel » et que « le savoir faire est un concept logiquement antérieur au concept de savoir propositionnel ». Ainsi, il ne suffit pas, au jeu d’échec, de connaître toutes les règles du jeu, toutes ses astuces, pour les appliquer. Aussi informé que l’on soit, on peut continuer à se comporter comme un imbécile. Un élève peut parfaitement comprendre les prémisses, la conclusion d’un argument, savoir que la conclusion découle des prémisses, sans être capable de suivre ou de « voir » l’argument. Accepter les règles en théorie ne force aucunement à les appliquer en pratique. On peut considérer des raisons sans parvenir à raisonner.

Références

[1] Ryle, trad. fr., p. 88.

[2] Ryle, trad. fr., p 94-95.