Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Ce sont sur celles-ci que s’est penché le huitième cours en évaluant la pertinence de l’attitude intellectualiste à l’aune de récents développements de la linguistique et de la philosophie de l’esprit, mais aussi de la phénoménologie et de la psychologie cognitive.

On s’est d’abord penché sur les travaux qui, notamment depuis Noam Chomsky, soulignent que la compétence linguistique dont fait preuve un locuteur ordinaire met en jeu une forme d’intelligence, ou que la connaissance manifestée dans le fait de savoir parler, est une connaissance de type factuel que l’on ne peut entendre en des termes anti-intellectualistes [1]. Faut-il, contre Ryle, refuser d’assimiler cette connaissance à une aptitude à parler et à comprendre ou à un système de dispositions, ou bien s’inscrire en faux contre les analyses chomskyennes, en suivant plutôt des auteurs comme Peirce, Wittgenstein, ou, plus récemment Hilary Putnam ou Michael Devitt [2] qui insistent sur la nécessaire prise en compte dans le savoir que met en œuvre la compétence linguistique de tout ce qui relève de la connaissance tacite, de ce qui ne peut être dit mais seulement montré, de ce que veut dire « suivre une règle », mais aussi du savoir faire, et des capacités, aptitudes et talents (skills) (voir l’intervention au séminaire de Annalisa Coliva). Même si nos intuitions vont plutôt dans ce dernier sens – l’anti-intellectualisme –, trancher la question de ce en quoi consiste la connaissance pratique sur laquelle repose la compétence linguistique est tout sauf simple, comme le montre la discussion que mènent Stanley et Williamson contre Michael Devitt pour qui il n’y a aucune raison de supposer que quelqu’un qui est compétent relativement à une phrase – qui a la capacité de l’utiliser avec un certain sens – doive par là-même avoir la moindre connaissance propositionnelle de ce qui constitue son sens. Mais Devitt est assez allusif sur ce qu’il entend par « compétence », reste prisonnier de la doctrine cartésienne qu’il est censé rejeter et pense à tort que la distinction entre savoir propositionnel et savoir faire recoupe une distinction souvent faite dans les neurosciences cognitives entre connaissance déclarative et connaissance procédurale, laquelle est une distinction non entre des sortes d’états mais entre des manières d’implémenter (ou de réaliser) la connaissance qui est la nôtre. Si un tel recoupement ne se justifie pas, alors cette position ne constitue pas une objection à l’intellectualisme et reste tout à fait compatible, selon Stanley et Williamson, avec une conception du savoir faire comme savoir propositionnel.

Références

[1] John Bengson & Marc A. Moffet, Knowing How: Essays on Knowledge, Mind, and Action, Oxford University Press, 2011, introduction.

[2] Michael Devitt, Designation, New York, Columbia University Press, 1981 ; Realism and truth, Princeton, Princeton University Press, 1984/1997 ; Ignorance of language, Oxford, Oxford University Press, 2006.

[3] Gareth Evans, The Varieties of Reference, Oxford, Oxford University Press, 1982. John McDowell, « Singular thought and the extent of inner space », in J. McDowell et P. Pettit (éd.), Subject, Thought and Context, Oxford, Oxford University Press, 1986. C. Peacocke, Concepts, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 1992. H. Putnam, « The meaning of ‘meaning’ », Philosophical Papers, Cambridge, Cambridge University Press, 1973.

[4] Alva Noé, « Against intellectualism », Analysis, 65(4), octobre 2005, p. 278-90.

[5] J. Stanley, op. cit., 2011, p. 167.