Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

La peste noire a-t-elle fait délirer la raison religieuse des sociétés médiévales ? Pour répondre à cette question, on entreprend la généalogie de la notion de « panique », comme crise de l’interprétation et comme frénésie rituelle, dans l’historiographie des pratiques et des mentalités religieuses au temps de la « religion flamboyante ». L’analyse du mouvement des Flagellants comme celle du jubilé de 1350 montre que si la peste noire met en mouvement, et en tension, la société médiévale, elle ne précipite nullement sa culpabilisation.

Sommaire

  • « Tout passera. Les souffrances, les tourments, le sang, la faim et la peste. Le glaive disparaîtra, et seules les étoiles demeureront, quand il n’y aura plus de trace sur la terre de nos corps et de nos efforts » (Mikhaïl Bougakov, La garde blanche, 1926)
  • La contagion de la peur : « la peste au temps de la peste » (Ludmila Oulitskaïa, Ce n’était que la peste, 2020)
  • La panique, ou la surinterprétation des signes
  • Retour sur le Compendium de epidemia de la Faculté de médecine de Paris en 1349 : lever les yeux vers les étoiles du ciel sans renoncer à comprendre, soigner et préserver
  • Une question simple et directe : la peste noire a-t-elle fait délirer la raison médiévale ?
  • Un idéal-type historiographique : la frénésie rituelle du mouvement des Flagellants
  • 1260 et 1348, deux vagues pour une même dynamique disciplinaire (Catherine Vincent, « Discipline du corps et de l’esprit chez les Flagellants au Moyen Âge ». Revue historique, 2000)
  • En 1349, changement d’attitude des pouvoirs civils : « que cette secte damnée et réprouvée par l’Église cesse »
  • Violence paroxystique et psychologie des profondeurs : la vague panique de l’historiographie française depuis les années 1980
  • « Le tréfonds panique de l’humain bascule en un exister-en-Dieu » (Denis Crouzet, Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion, vers 1525-vers 1610, 1990)
  • Pierre Chaunu et le temps long des réformes, ou l’histoire inquiète de la modernité depuis la peste noire
  • « Une réponse collective désangoissante à l’expérience paroxystique de la mort de masse éprouvée à partir de 1348 » (Christian Ingrao, Le Soleil noir du paroxysme, 2021)
  • Alphonse Dupront et la psychanalyse jungienne (Hervé Mazurel, L’Inconscient ou l'oubli de l'histoire. Profondeurs, métamorphoses et révolutions de la vie affective, 2021)
  • Poétiser l’histoire par l’exigence de la langue (Dominique Iogna-Prat, « Alphonse Dupront ou la poétisation de l’histoire », Revue historique, 1998)
  • Un « idiolecte repérable où se bousculent quelques lexèmes en tous sens combinés : profondeur/pulsion/panique/collectif/âme etc. » (Maïté Bouissy, « Alphonse Dupront et le mythe de croisade », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2000)
  • L’histoire doit-elle accueillir ce qui la déborde ? Une critique lacanienne du panique comme fiction
  • « Car en réalité, ce “panique” est le nom qu’une connaissance prodigieusement étendue donne à sa propre limite, à l’inconnu qu’elle révèle et rencontre dans son avancée » (Michel de Certeau, L’Écriture de l’histoire, 1975)
  • La notion de « religion flamboyante », pour faire front à l’historiographie traditionnelle de la décadence de l’Église (Jacques Chiffoleau, dans Histoire de la France religieuse, 1988)
  • Déracinement, mélancolie et deuil impossible aux origines de la mathématisation du salut
  • Il n’y a pas de panique funéraire, et pourtant la peste devient la métaphore de la désaffiliation dans une société en tension
  • « C’est dans les larmes, la peur et la mélancolie que naît la rationalité des modernes » (Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Âge (vers 1320-vers 1480), 1980)
  • Un bon client pour l’historiographie de la déculpabilisation par la frénésie rituelle : Francesco di Marco Datini
  • Le marchand de Prato et l’économie du salut : « J’ai péché dans ma vie autant qu’un homme peut pêcher », écrit-il à son épouse, car je n’ai pas su dominer mes désirs. Et je paie volontiers le prix de mes fautes » (Iris Origo, Le marchand de Prato. La vie d’un banquier toscan au XIVsiècle, 1995)
  • Quand les faux frères « s’inclinent avec déférence devant Rétribution » (William Langland, Piers Plowman)
  • Enrichissement de l’Église et rancœurs sociales contre les Ordres mendiants (Aude Mairey, Une Angleterre entre rêve et réalité. Littérature et société dans l’Angleterre du XIVe siècle, 2007)
  • L’angoisse de la belle mort et la rémission des péchés : à la recherche des parentés de substitution
  • « Ils en mouraient plus volontiers, laissant à l’Église et aux religieux quantité d’héritages et de biens temporels, car ils avaient vu partir avant eux leurs héritiers, leurs proches et leurs enfants » (Chronique dite de Jean de Venette)
  • Retour à la correspondance Datini : anticiper le passage de la peste, ruser avec les itinéraires, craindre la maladie et pleurer ses morts (Ingrid Houssaye-Michienzi, intervention au colloque du 13 décembre 2021)
  • La peste comme aléa, comme danger et comme risque
  • La fortune sémantique d’un mot : du rizq arabe au resicum du droit maritime italien au XIIsiècle (Sylvain Piron, « L’apparition du resicum en Méditerranée occidentale, XIIe-XIIIsiècles » dans Pour une histoire culturelle du risque. Genèse, évolution, actualité du concept dans les sociétés occidentales, 2004)
  • Déclaration de peste et « jalousie du commerce » (Guillaume Calafat, « La contagion des rumeurs. Information consulaire, santé et rivalité commerciale des ports francs (Livourne, Marseille et Gênes, 1670-1690) », dans Silvia Marzagalli dir., Les consuls en Méditerranée, agents d’information [XVIe-XXsiècle], 2015)
  • Après la peste noire, des sociétés médiévales en tension et en mouvement
  • Le pèlerinage à Rome de Barthélémy Bonis, marchand de Montauban, en 1350
  • Clément VI, pape de la peste, au travail de la plenitudo potestatis
  • Théologie de l’année jubilaire, théorie du thesaurus ecclésie et doctrine canonique de l’indulgence (Étienne Anheim, Clément VI au travail. Lire, écrire, prêcher au XIVsiècle, 2014)
  • Quand le temps jubilaire enjambe la peste : le pèlerinage romain de 1350, anticipé, mais nullement précipité
  • Mourir et guérir en temps de peste : les témoignages des survivants au procès de canonisation de Delphine de Sabran (Nicole Archambeau, Souls Under Siege: Stories of War, Plague, and Confession in Fourteenth-Century Provence, Cornell, 2021)
  • Une joie profonde, mais sans culpabilisation : l’expérience de la maladie d’Alassia Messelano
  • Encore la distinction anthropologique entre illness, disease et sickness : les malades de la peste n’étaient pas des pestiférés