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Pierre Bercier, doctorant en biologie

Chemins de chercheurs

Une protéine défendant ou détruisant des cellules agressées ! Tel est l’objet de recherche de Pierre Bercier, doctorant au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CIRB) du Collège de France.

Pierre Bercier devant un microscope

Avez-vous une routine de chercheur ?

J’ouvre la porte de mon laboratoire vers 8 heures et demie. Je me prépare une tasse de café en même temps que je décongèle les réactifs. Ceux-ci sont des substances qui, une fois réchauffées, deviennent liquides et que je mélange les unes aux autres, dans des proportions précises pour démarrer mes expérimentations. Chacune de ces expérimentations ayant des temps de développement distincts, j’en initie et j’en contrôle plusieurs dans la même journée. Certaines peuvent s’étaler sur quelques jours… Dans ce métier, on fait un peu à la façon de ces jongleurs qui lancent, comme des toupies, plusieurs assiettes au sommet de grands piquets souples : chaque expérimentation possède son propre rythme et nécessite une attention particulière.

Vous effectuez des expérimentations toute la journée ? 

Je m’accorde quand même une pause à l’heure du déjeuner ! Et puis j’ai beaucoup d’échanges, plus ou moins informels, avec d’autres chercheurs. C’est l’occasion de se transmettre des idées, des méthodes… ou d’être aidé par quelqu’un de plus avancé… Bref, je travaille au laboratoire jusque vers 19 heures… et puis je pars m’entraîner au ju-jitsu, discipline que je pratique depuis l’âge de 5 ans. Cela me permet d’un peu « oublier » mes travaux et de revenir à la vie « normale » !

Avez-vous eu un intérêt précoce pour les sciences ? 

Pas du tout ! C’est un peu le fruit du hasard. Je vivais à Châtellerault. Après un bac S, j’ai voulu tout simplement suivre mes copains… Je me suis donc inscrit à l’université de Poitiers en licence Sciences de la vie.
Cela m’a plus ou moins plu… L’université ne m’a paru ni facile, comparée aux grandes écoles, ni difficile. Il s’y exerce une pression et une sélection constantes qui peuvent être mal vécues. En troisième année, je pensais même changer d’orientation. Je n’étais pas très motivé. Un stage à l’hôpital Bretonneau de Tours, sous la direction de Patrick Vourc’h, m’a fait comprendre que j’aimais passer du temps dans un laboratoire. Manipuler des instruments scientifiques me plaisait. J’étais conquis par l’aspect « artisanal » du métier. Je me suis investi pleinement dans mes études. Et à partir de là, elles m’ont paru véritablement passionnantes.

Quelle est votre spécialité en biologie ?

Disons qu’en fonction des différentes étapes que ma recherche m’impose, je fais de la biologie cellulaire, de la biologie moléculaire, de la biochimie, de la génétique et ou de la physiologie.

Pierre Bercier dans son laboratoire

Quel est votre objet d’étude ?

La protéine proleucémie myéloïde (PML). Dans le génome humain, cette molécule est située sur le chromosome 15. On la considère comme un « hub », un point d’interconnexion cellulaire, car elle contrôle plusieurs fonctions biologiques. Je ne me concentre que sur une seule de ces fonctions, à savoir le rapport que cette protéine entretient avec le stress oxydant.

Comment ce stress se forme-t-il ?

Ce stress se forme naturellement ! Tout organisme vivant se nourrit d’oxygène. Une part de cette nourriture est transformée en énergie pour assurer les fonctions vitales et les efforts physiques ; une autre part – bien plus petite – est transformée en déchets toxiques nommés radicaux libres. En faible quantité, ces radicaux libres sont inoffensifs, et même bienfaisants. Si cette quantité devient excessive, trop de cellules s’oxydent, elles sont littéralement attaquées... on parle alors de stress oxydant.

Comment agit la protéine proleucémie myéloïde ?

La protéine proleucémie myéloïde paraît « sentir » le niveau de radicaux libres. Dans les conditions normales, elle protège les cellules de cette agression et, pour les défendre, elle favorise la production de molécules antioxydantes. Mais quand des cellules subissent trop de stress oxydant, cette protéine change de stratégie et, d’une façon paradoxale, elle en programme leur mort. On nomme ce processus l’apoptose. Les cellules sont détruites.

Quelles conséquences d’autres chercheurs peuvent-ils tirer de vos travaux ?

Étant donné que l’oxydation des cellules participe au développement de cancers et de maladies neurodégénératives, comme celles de Parkinson ou d’Alzheimer, comprendre comment la protéine proleucémie myéloïde réagit face au stress oxydant présente un grand intérêt dans le développement de futures thérapies.

Que comptez-vous faire après votre doctorat ?

Quand j’aurai soutenu ma thèse, j’imagine continuer de travailler dans le monde de la recherche, en postdoctorat, dans des travaux de recherche fondamentale où les applications finales sont, comme dans mes recherches actuelles, clairement définies. L’idée que je puisse toujours continuer à approfondir mes connaissances en biologie et que mes travaux pourront être utile est une source de grande motivation.
En définitive, ce que je préfère dans l’activité de chercheur c'est que c'est une pratique obsédante ! On ne peut pas la faire à moitié. Faire coïncider la théorie et l’expérience est long. Les idées émergent lentement. Il faut s’informer des articles écrits par les autres chercheurs, élaborer des hypothèses, en tester patiemment la justesse, etc. On se trompe souvent… La pratique du ju-jitsu m’a appris à supporter les défaites. Sur les tatamis, les résultats ne viennent pas forcément quand on veut. C’est pareil en science ! Hélas… et tant mieux !

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Pierre Bercier travaille au sein de l’équipe Organisation nucléaire et contrôle post-traductionnel en physiopathologie du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie du Collège de France, sous la responsabilité du Pr Hugues de Thé, titulaire de la chaire Oncologie cellulaire et moléculaire, et du Dr Valérie Lallemand-Breitenbach. Sa thèse s'intitule « Corps nucléaires PML et réponse au stress oxydant ».

Photos © Patrick Imbert
Propos recueillis par David Adjemian