Présentation de la chaire

Des droits de l’homme à l’action humanitaire, des commissions vérité et réconciliation aux conventions internationales sur les réfugiés, de l’intégrité des gouvernants à la régulation de la finance, de la reconnaissance des relations de genre à la légitimation du statut de victime, du port du voile à la liberté d’avorter, des lois de bioéthique à la déontologie de la recherche, morale et politique n’ont cessé, au cours des dernières décennies, d’interroger les modalités de la vie en société et de redéfinir les frontières entre espace public et espace privé. La question sociale s’est ainsi doublée d’une question morale, et dans les deux cas, le politique s’est trouvé mis à l’épreuve. C’est à cette interface entre moral et politique que la chaire est consacrée.

Les sciences sociales ont historiquement eu, à l’égard de la question morale, une double posture. D’une part, tant les anthropologues, depuis Westermarck, que les sociologues, avec Durkheim, et même Weber, s’y sont très tôt intéressés. D’autre part, ils se sont méfiés de ce qui pouvait impliquer leurs propres jugements alors même que, comme l’écrivait Albert Hirschman, les sciences sociales se sont construites en s’en libérant. Dans la période récente, cependant, un regain d’intérêt pour la question morale s’est manifesté dans les sciences sociales.

Le titulaire de la chaire en a été l’un des acteurs en développant une anthropologie morale critique visant à prendre pour objet, d’une part, les affects et les valeurs que mobilisent les agents dans leurs pratiques, et d’autre part, les économies morales qui se constituent autour de ce que la société se donne comme problèmes. Cette double dimension est à l’œuvre dans de multiples domaines, de l’assistance aux pauvres à la réduction des inégalités, de la sanction des délits à l’accueil des exilés, et bien d’autres. L’enquête théorique développée dans le cadre de la chaire s’appuie sur un travail ethnographique associant entretiens, observation et participation. Elle implique un questionnement sur les formes d’engagement du chercheur.

Chaire précédemment occupée par Didier Fassin