Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La leçon de conclusion opère une sélection dans l’immense littérature qui se consacre – sans attendre le XIXe siècle – à la critique de l’Europe dans la vision des non-Européens ou des anti-Européens.

Nous trouvons un premier type de réflexion extérieure sur l’« essence » de l’Europe – conçue comme un complexe de peuplades germaniques et romanes – dans la construction d’une opposition inconciliable entre « la Russie et l’Europe » dans la pensée du cofondateur du mouvement panslaviste, Nikolaï J. Danilevski. Dans le portrait que brosse Danilevski (publié à Saint-Petersbourg en 1871), l’Europe présente trois traits essentiels qui la différencient, à son détriment, de son vis-à-vis russe : la cruauté guerrière, la désunion des partis, la déformation mensongère du christianisme vrai par les confessions occidentales. Les idées de Danilevski ont retrouvé une importance politique ces derniers temps, depuis que Vladimir Poutine les revendique pour ses conceptions d’un « espace eurasien » anti-occidental. 

L’essayiste brésilien et poète Oskar de Adrade présente un deuxième type de réflexion critique à l’égard de l’Europe dans son Manifeste anthropophagique de 1928 ; l’auteur y développe l’idée que la culture colonisée doit « dévorer » le colonisateur au lieu de se laisser consommer par lui. Un troisième type de confrontation avec la théorie et la pratique européennes apparaît dans le projet présenté par le philosophe camerounais Achille Mbembe d’une Critique de la raison nègre, Paris, 2013.  Ce texte, dont le titre reprend de manière parodique l’idée kantienne de la « critique », illustre de manière impressionnante le fait que la perception de l’Europe ne peut pas s’arrêter à la réflexion extérieure, mais – au-delà du stade de l’appropriation ou de la « vaccination » anthropophagique – conduit à un déploiement des potentiels d’autocritique que détient la rationalité européenne. Avec la thèse hyperbolique du « devenir-nègre du monde » formulée par Mbembe, celui-ci tente de montrer comment l’économie capitaliste mondiale produit une globalisation de la conditio nigra

Perspective : Au-delà de l’impérialisme et du déclinisme : Une Europe décentrée à l’ère des métamorphoses, qui s’éloigne