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Mission archéologique de Kiriath-Jearim

The Vlad and Sana Shmunis Excavations at Biblical Kiriath-Jearim

Une entreprise conjointe de l'Université de Tel Aviv et du Collège de France, qui sera dirigée par Israel Finkelstein (Université de Tel Aviv), Christophe Nicolle (Collège de France) et Thomas Römer (Collège de France). 

Sous la direction conjointe d’Israël Finkelstein (Université de Tel-Aviv), Christophe Nicolle (CNRS-Collège de France) et de Thomas Römer (Collège de France) débutera à l’été 2017, du 1er au 31 août, une nouvelle mission archéologique en Israël sur le site de Deir el-Azar, l’ancienne Kiriath-Jearim ou Kiriath-Ba’al. La mission archéologique de Kiriath-Jearim (The Vlad and Sana Shmunis Archaeological Excavation at Biblical Kiriath-Jearim) est un projet commun de l’Université de Tel-Aviv et du Collège de France.

Kiriath-Jearim, une localité importante dans la Bible hébraïque

La ville biblique de Kiriath-Jearim (Cariathiarim) se trouve à un endroit stratégique sur une des collines les plus hautes (756 m) de Judée, 12 km à l’ouest de Jérusalem, juste à l’ouest d’Abu Gosh ; le site est déjà connu en raison des fouilles françaises sur l’époque néolithique qui s’y déroulèrent. Le nom de Kiriath Jearim signifie en hébreu « la ville des forêts ». Son nom arabe de Deir el-Azar pourrait provenir d’une référence à Éléazar qui, selon 1 Samuel 7,1-2, avait pris en charge l’arche de l’alliance quand elle fut apportée à Kiriath-Jearim : « Les gens de Kiriath-Jearim vinrent, et firent monter l'arche de Yhwh ; ils la conduisirent dans la maison d'Abinadab, sur la colline, et ils consacrèrent son fils Éléazar pour garder l'arche de Yhwh. Il s'était passé bien du temps depuis le jour où l'arche avait été déposée à Kiriath-Jearim ; vingt années s'étaient écoulées. Alors, toute la maison d'Israël poussa des gémissements vers Yhwh. »

Localisation du site de Kiryat-jearim (en haut à gauche de l'image, vue Google Earth Pro)
Localisation du site de Kiryat-jearim (en haut à gauche de l'image, vue Google Earth Pro).

Le site est mentionné à plusieurs reprises dans la Bible, notamment comme le lieu du dépôt temporaire de l’arche de l’alliance, comme ville frontière entre les tribus de Juda et Benjamin, ou encore dans notices généalogiques et une liste de personnes de retour d’exil[1]. Le premier livre de Samuel (chapitres 4-6) raconte en particulier que l’arche de l’alliance avait été prise par les Philistins suite à la défaite d’Israël à la bataille de Eben-Ezer. La présence de l’objet sacré aurait toutefois causé des malédictions dans le territoire des Philistins, ce qui les aurait forcés à le rendre à Israël. C’est à ce moment que l’arche aurait été placée dans la maison de Abinadav à Kiriath-Jearim, et ce n’est que des décennies plus tard que David l’aurait fait venir à Jérusalem (2 S 6).

Ces mentions révèlent le statut important de Kiriath-Jearim qui, par ailleurs, fut probablement le lieu d’un temple de Ba‘al comme le suggère son nom antérieur : Kiriath-Baal (Jos 15,60 ; 18,14), Baala (Jos 15,9.11 ; cf. Baalath en 1 R 9,18 ; 2 Ch 8,6), ou Baalé-Juda (2 S 6,2). Il est aussi établi que les Romains avaient installé un avant-poste à Kiriath-Jearim le long de la route de Jérusalem à Antipatris (Tel Aphek), comme le révèlent des inscriptions en latin retrouvées dans les alentours.

Un site encore non exploré

En 1905, alors qu’il labourait, un fermier découvrit au sommet de la colline un mur semi-circulaire avec des mosaïques. Des fouilles succinctes révélèrent notamment des bases de colonnes, des chapiteaux et d’autres mosaïques : il s’agissait des restes d’une église byzantine du Ve siècle. En 1911, sœur Joséphine Rumebe, Française de la congrégation des sœurs de Saint Joseph de l’Apparition, fit construire à cet emplacement le couvent de Notre-Dame de l’Arche d’Alliance et son église (Our Lady of the Ark of the Covenant).

Église du couvent de Notre Dame de l'arche d'alliance
Église du couvent de Notre Dame de l'arche d'alliance.

Le site mesure environ 250 m sur 250 m, soit un tell de plus de 6 ha de superficie, ce qui en fait un des plus gros tells de l’âge du Fer dans cette région de collines. Il y a quelques années, un ramassage de surface réalisé par un archéologue travaillant aux antiquités israéliennes (Israel Antiquities Authority) avait permis une première estimation des différentes occupations du site, livrant quelques tessons des périodes du Bronze ancien et moyen (IIIe et IIe millénaire), mais surtout l’indication d’une importante occupation à l’âge du Fer (Fer I : 1100-900 av. n. è. et Fer II : 900-750 av. n. è.), avec la possibilité d’un aménagement en plate-forme au sommet du tell.

Vue aérienne du site de Kiriath-Jearim
Vue aérienne du site de Kiriath-Jearim.

C’est un des rares sites bibliques encore non fouillés qui, à en juger par la place qu’il occupe dans les textes bibliques, fut sans doute une ville et un centre religieux importants. Excepté à l’endroit du petit monastère au sommet, le tell est bien préservé, car ses pentes servent encore exclusivement à la culture de l’olivier. Les niveaux archéologiques sont donc à la fois bien protégés et accessibles.

Objectifs et moyens de la mission archéologique de Kiriath-Jearim

L’objectif de la fouille est d’apporter de nouvelles informations de premier ordre sur l’histoire des monts de Judée et l’histoire des royaumes de Juda et Israël qui sont au cœur de la Bible. Les éléments récoltés permettront de mieux appréhender le statut, l’étendue et l’organisation du territoire de ces royaumes à l’âge du Fer. La fouille permettra aussi de déterminer s’il existait dans les monts de Judée un temple contemporain du premier temple de Jérusalem (dédié au dieu Baal ?), une question importante pour la connaissance de la religion de l’Israël ancien. En outre, la fouille permettra de mieux comprendre l’arrière-plan historique de passages bibliques importants, notamment ceux qui ont trait à l’arche de l’alliance.

La mission archéologique de Kiriath-Jearim a obtenu le permis de fouille de la part des autorités locales compétentes ainsi que l’accord du monastère, propriétaire du terrain. Elle bénéficiera de l’infrastructure de la mission archéologique de Megiddo, reconnue pour ses méthodes d’avant-garde dans le domaine de l’archéologie. Elle aura ainsi à sa disposition les méthodes et les techniques les plus avancées pour mener à bien les fouilles, l’enregistrement des données et toutes les analyses nécessaires. Les fouilles mobiliseront une soixantaine de chercheurs confirmés et d’étudiants, venant d’Israël, de France et aussi d’autres pays. Cette coopération internationale marquera un renouveau des activités archéologiques françaises sur la période de l’âge du Fer en Israël.

[1] Le nom de Kiriath-Jearim apparaît plus précisément en Josué 9,17 ; 15,9.60 ; 18,14.15 ; Juges 18,12 ; 1 Samuel 6,21 ; 7,1.2 ; Jérémie 26,20 ; Néhémie 7,29 ; 1 Chroniques 2,50.52.53 ; 13,5.6 ; et 2 Chroniques 1.4.