Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Lorsqu’on interprète, lorsqu’on lit, quelle place donner aux détails par rapport à l’image d’ensemble ? On peut avoir tendance à les négliger au profit d’une interprétation globale. On peut au contraire vouloir construire à partir de détails pris ici et là une interprétation nouvelle, susceptible de contredire l’interprétation globale, voire de la détruire : méthode déconstructionniste. Toutefois, le sens caché légitime n’est pas celui qui inverse le sens obvie, mais celui qui le pousse plus loin, l’affine, le radicalise dans une direction inattendue et construit une cohérence nouvelle congruente avec ce qu’on sait de l’auteur ou de son époque. L’interprétation est un art, au sens que donne à ce terme Paul Valéry, parce qu’il y a plusieurs manières d’interpréter, certaines meilleures que d’autres, selon quatre catégories : le contresens, le faux-sens, les interprétations peu probables mais pas impossibles, et enfin les interprétations les plus probables. La faute à éviter à tout prix est la surinterprétation, qui ouvre une pente glissante.

Un texte est comme une personne. Inversement, un écrivain peut se lire comme un texte. Que faire en ce cas des détails biographiques qui semblent infirmer son engagement pour l’émancipation ? Que faire, par exemple, de la participation financière de Voltaire à la Compagnie des Indes, dont l’une des activités était la traite négrière ? Une personne comme un texte ne sont pas nécessairement cohérents : rechercher la pureté sémantique de l’œuvre est aussi absurde que d’exiger chez l’être humain une pureté morale ou idéologique. Il y a toujours des scories, un résidu inintégrable, qui n’infirme pas le reste, mais le complexifie.

La prolifération anarchique des détails et leur incohérence font partie des motifs de la condamnation des romans par les philosophes et les moralistes, jusqu’à Emmanuel Kant. La méfiance envers les débordements de l’imagination forme une longue tradition depuis les représentations de la tentation de saint Antoine jusqu’aux lectures de don Quichotte.

Auteurs et œuvres cités

Cervantès et Gustave Doré, Don Quichotte. Pieter Brueghel le Jeune, Matthias Grünewald, Martin Schongauer et Jacques Callot, La Tentation de saint Antoine. Baudelaire, « Les Chats ». Umberto Eco, Le Pendule de Foucault. Thomas Pynchon, V. et Vente à la criée du lot 49. Paul Valéry, Cours de poétique. Pierre Bayard, Qui a tué Roger Ackroyd ? Voltaire, Candide. Société Voltaire, http://societe-voltaire.org/cqv. Victor Hugo. Émile Zola. Karl Popper. Montaigne, Les Essais. Emmanuel Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique. Francesco Montorsi, « “Un fatras de livres a quoy l’enfance s’amuse” : lectures de jeunesse et romans de chevalerie au XVIe siècle ». Jean-Louis Vivès, De institutione feminæ Christianæ. François Grandin, Destruction de l’orgueil mondain, ambition des habitz, et autres inventions nouvelles extraictes de la Saincte Escriture & des anciens docteurs de l’Eglise. François de La Noue, Discours politiques et militaires. Giovanni Pietro Giussano, Instruttione a’ padri per saper ben governare la famiglia loro. Marguerite de Navarre, L’Heptaméron. Montalvo, Amadis de Gaule et Les Prouesses d’Esplandian. Tristan. Jean d’Arras, Le Livre de Mélusine. Joanot Martorell, Tirant le Blanc. Elia Levita, Le Chevalier Paris et la Princesse Vienne. Ségurant, le chevalier au dragon.