Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Si le terme de « musée universel » ne figure pas dans les sources du XIXe siècle, l’idée que le Louvre, alors musée Napoléon, est le plus beau musée de l’univers irrigue de nombreux textes publiés à l’époque et se retrouve notamment sous la plume de son premier directeur, Dominique Vivant-Denon.

Celui-ci s’emploie ainsi, même après la chute de l’Empereur, à présenter le Louvre dans tout son lustre et à y inviter les souverains alliés, qui viennent pourtant d’écraser la France et son héros, dans l’espoir que l’on hésitera à démanteler un ensemble aussi admirable. L’idée d’universalité qui se dissimule dans son discours est que le succès et surtout la possibilité pour tous les Européens de venir au contact de cette collection légitiment le maintien à Paris d’œuvres prises dans des conditions plus ou moins irrégulières.

Or, cette idée trouve un écho direct dans la quantité de témoignages que livrent les troupes d’occupation au même moment. Le musée, présenté comme un lieu de liberté, d’accès aux œuvres, mais aussi comme un lieu d’émotion esthétique, suscite l’admiration de tous ses visiteurs, y compris de ceux qui sont impliqués dans la reprise des œuvres, donc dans le démantèlement de ses collections, et en tout cas dans l’organisation des retours.

En 1814-1815, l’intelligentsia européenne reconnaît donc la valeur du modèle muséal du Louvre, l’intérêt intellectuel, émotionnel et historique de ce lieu, mais elle considère dans le même temps que le prix à payer pour en jouir est trop élevé, puisque le prix de la présence de ces chefs-d’œuvre à Paris est celui de leur absence partout ailleurs.

Au paradoxe soulevé par ce modèle de musée universel s’ajoute, dans la plupart des sources de l’époque, un deuxième argument selon lequel les Français n’aiment pas vraiment les arts, mais seulement leur accumulation, et que si la réunion crée un ensemble exceptionnel, son utilité serait bien plus grande ou, en tout cas, l’intérêt que le public européen portait aux différentes œuvres était plus grand lorsque ces œuvres étaient disséminées dans des églises, et non rassemblées en une seule masse à Paris.

Le démembrement du Louvre offre ainsi un intérêt historique majeur, car il ouvre un certain nombre de questions sur la centralisation, la redistribution ou la juste distribution des œuvres qui ne cesseront d’occuper les discours et les réflexions sur le musée dans les décennies à venir.