Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Selon Merel Semeijn, nous disposons, outre notre représentation stable du monde réel, d’un espace de travail qui héberge notamment les représentations temporaires que nous construisons pendant notre immersion fictionnelle. À cette idée objecte le fait que la représentation du monde imaginaire bâtie pendant l’immersion dans la fiction peut être réactivée. Certains auteurs (comme Regine Eckardt) considèrent donc la représentation fictionnelle comme une représentation permanente et parallèle à la représentation principale (la représentation du monde qui guide le comportement). Dans cette conception il y a non pas un espace de travail unique servant tour à tour à la représentation des divers univers fictionnels mais une multitude de représentations parallèles correspondant aux univers en question.

Semeijn répond que l’information véhiculée par un énoncé fictionnel a beau rester isolée et ne pas intégrer la représentation du monde qui guide le comportement du sujet dans le monde réel, néanmoins elle intégre la représentation principale indirectement après enchâssement sous un opérateur parafictionnel. L’algorithme qu’elle propose dans sa thèse est le suivant : si un texte est non-fictionnel (et si l’information est crédible et la source fiable), on intégre le contenu de l’espace de travail à la représentation principale et on réinitialise l’espace de travail. Si le texte est fictionnel, on enchâsse le contenu de l’espace de travail sous l’opérateur « dans la fiction F » et on intégre le résultat (l’énoncé parafictionnel) à la représentation principale, après quoi on réinitialise l’espace de travail. La disponibilité permanente de l’information fictionnelle vient du fait qu’elle est représentée dans la base de données principale (la représentation du monde réel) sous forme d’information parafictionnelle. 

Semeijn propose d’intégrer l’information parafictionnelle à la représentation principale parce que cette information est vraie ou fausse et concerne la réalité. Cela met les informations parafictionnelles sur le même plan que les informations métafictionnelles. Les informations métafictionnelles sont les informations sur la fiction, concernant par exemple son auteur, la date de sa production, sa diffusion ou son influence. Les informations parafictionnelles aussi sont des informations sur la fiction, et donc il est tentant de les considérer comme des informations métafictionnelles d’un type particulier. Ce qui les distingue est le fait qu’elles portent sur le contenu de la fiction. 

Parce qu’ils dévoilent le contenu de la fiction, cependant, les énoncés parafictionnels portent à la fois sur le monde réel (à savoir la fiction et ses propriétés) et sur le monde imaginaire projeté par celle-ci. Les énoncés parafictionnels imposent une double perspective relativement à la fiction : une perspective externe, comparable à celle des autres énoncés métafictionnels, et une perspective interne comme celle qu’adoptent ceux qui s’engagent dans la pratique fictionnelle et qui se projettent dans l’univers imaginaire de la fiction. Les énoncés parafictionnels établissent donc un lien entre la représentation principale (où sont stockées les informations métafictionnelles sur la fiction considérée comme appartenant au monde réel) et l’espace mental séparé où sont stockées les informations sur l’univers imaginaire de la fiction. Dans cette conception les espaces fictionnels ne sont pas des espaces de travail temporaires, comme chez Semeijn, mais des représentations stables qui coexistent avec la représentation principale et lui sont liées à travers ces pointeurs qui associent une représentation (considérée comme une entité qui existe dans le monde réel) à son contenu conçu, lui, comme la projection d’un monde imaginaire auquel on a accès par la simulation.