Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

L’amour dans le mariage repose-t-il sur un partage entre le charnel et le spirituel, ce qui supposait que la femme puisse se donner à son époux « sans aucun frémissement de l’âme » (Georges Duby) ? Malgré les efforts des moralistes, le Moyen Âge éprouva l’impossibilité de cette séparation, comme l’atteste la vogue des commentaires du Cantique des cantiques, du XIIe au XVIsiècle, où la volonté de déplacement allégorique du désir ne fait jamais taire la véhémence de l’amour. On en étudie certains motifs, guidé par la notion d’expérience résultant de l’effort exégétique, en s’intéressant moins au sens caché qu’à son effet anthropologique et social. Car de l’expulsion du jardin d’Éden à l’intériorisation d’un jardin clos érotisé, le corps y apparaît bien comme le lieu du nouage entre poétiques et politiques de l’amour.

Sommaire

  • « Je ne parlerai pas de l’amour de Dieu. Et pourtant, comment ne pas en parler » (Georges Duby, « Que sait-on de l’amour en France au XIIsiècle ? », dans Mâle Moyen Âge, Paris, 1988)
  • Inquiétudes de l’historien face à ces « ombres, flottantes, insaisissables »
  • L’abbé Adam de Perseigne, la comtesse du Perche et la sanctification dans le mariage
  • « Sans aucun frémissement de l’âme », vraiment ?
  • Retour aux sources : Adam de Perseigne, la direction de conscience et l’amicitia
  • La mise en ordre morale des émotions et la véhémence de l’amour : sur Richard de Saint-Victor (Damien Boquet et Piroska Nagy, Sensible Moyen Âge. Une histoire des émotions dans l’Occident médiéval, Paris, 2015)
  • Les quatre degrés de la charité violente, phénoménologie du mal d’aimer (Ruedi Imbach et Iñigo Atucha, Amours plurielles. Doctrines médiévales du rapport amoureux de Bernard de Clairvaux à Boccace, Paris, 2006)
  • Je suis navrée d’amour (Ct 4, 9) : « Le plus beau de tous les chants » (Shir HaShirim)
  • De la poésie érotique du Proche Orient ancien aux Meguilot : que faire du Cantique des cantiques ?
  • L’amour face à la mort : sur l’énigme du nom de Dieu (Thomas Römer, L’Invention de Dieu, Paris, 2014)
  • « Tu es un jardin clos, ma sœur, ma chérie, une fontaine close, une source scellée » : de la sortie du jardin d’Éden à son intériorisation (Thomas Römer, « Du jardin d’Éden au jardin du Cantique des Cantiques », dans Mondes clos : Cultures et jardins, Genève, 2011)
  • L’érotisation d’un jardin à la dimension d’un monde (Françoise Joukovsky, Le Bel Objet. Les paradis artificiels de la Pléiade, Paris, 1991)
  • Du dominium d’Adam à celui de l’époux du Cantique des cantiques : nommer, blasonner, dire à la découpe
  • Le corps, lieu du nouage entre poétiques et politiques de l’amour
  • Canticum canticorum Salomonis : poésie sapientiale et leçon de sagesse
  • Du XIIe au XVIsiècle, la vogue des commentaires du Cantique des cantiques (Gilbert Dahan, Études d’exégèse médiévale. Ancien Testament, Strasbourg, 2017)
  • Sur l’épuisement parodique de l’allégorie  dans la tradition bucolique (Claire Placial, « Voltaire lecteur du Cantique des cantiques : de la parodie à l’émergence de la critique biblique », dans Jean-Pierre Martin et Claudine Nédélec dir., Traduire, trahir, travestir, Arras, 2011)
  • Aux origines du déplacement analogique par emboîtements successifs : le commentaire d’Origène
  • « Il convient que Dieu frappe les âmes d’une telle blessure » : d’Origène à Sainte Thérèse d’Avila
  • « C’est comme ça que, chez l’être parlant, la jouissance est appareillée » (Jacques Lacan, Encore. Le séminaire, livre XX, Paris, 1977)
  • Guillaume de Saint-Thierry : amour et connaissance de soi (« Si tu ne te connais pas, sors ! »)
  • Guillaume de Saint-Thierry et Bernard de Clairvaux : faiblesse du corps, force du texte
  • « Aujourd’hui nous lisons dans le livre de l’expérience » : de l’expérience du Cantique au cantique de l’expérience (Emmanuel Falque, « Expérience et empathie chez Bernard de Clairvaux », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2005)
  • Qui amat, amat et aliud nihil novit (Bernard de Clairvaux) : sur l’impossibilité claudélienne d’échapper au brasier
  • Osculetur me osculo oris suis : « Et de vrai comment ne nous rendrait-il pas très attentifs, un tel commencement sans commencement, et une telle nouveauté de l’expression dans un livre si ancien » (Bernard de Clairvaux : Cédric Giraud, « Chant individuel et geste collective : le Cantique des cantiques au XIIsiècle », Communio, 2022)
  • La beauté est-elle cause de l’amour ou est-ce l’amour qui rend l’épousée « ma toute belle » ? Sur l’énigme du « je suis noire mais je suis belle » (Jean-Yves Tilliette, « Nigra sum sed formosa. Le verset 1, 4 du Cantique des cantiques dans l’hagiographie des saintes pénitentes, Micrologus, 2014)
  • Blasons du corps chrétien : « il n’est rien que la scintillante lueur du corps humain ne puisse éclairer » (Jean-Louis Chrétien, Symbolique du corps. La tradition chrétienne du Cantique des cantiques, Paris, 2005)
  • Ces seins sont aussi ses seins : « lorsque tu veux les saisir, ils s’enfuient aussitôt loin de toi et tu les vois s’élever vers les hauteurs » (Gilbert Foliot)
  • « Il ne suffit pas que le rapport de Dieu à l’homme soit présenté à travers la parabole de l’amant et de l’aimée, la parole de Dieu doit contenir immédiatement le rapport de l’amant à l’aimée, il faut qu’il y ait le signifiant sans la moindre allusion au signifié » (Franz Rosenzweig, L’Étoile de la Rédemption, 1921)
  • Une femme de marbre, vraiment ? Dénuder la nudité (Georges Didi Huberman, Ouvrir Vénus. Nudité, rêve, cruauté, Paris, 1999).