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Voir aussi :
Les Mortels sont égaux, ce n’est pas la naissance c’est la seule vertu qui fait la différence. Estampe, auteur non identifié, vers 1791-1794.
Source : gallica.bnf.fr / BnF.

L’universalisme est aujourd’hui l’aspect le plus contesté de l’héritage des Lumières. Pour les uns, il désigne un idéal d’émancipation par la raison, une promesse d’égalité entre tous les êtres humains. Pour les autres, à l’inverse, il incarne l’impérialisme culturel de l’Occident et le refus des différences. L’universalisme est-il le langage moderne du cosmopolitisme et de la liberté individuelle ou une idéologie assimilationniste et néocoloniale ?
Pour sortir des caricatures, il faut revenir au XVIIIe siècle. Les Lumières n’ont pas le monopole de l’universel. En réponse à la crise de l’universalisme chrétien hérité du Moyen Âge, les philosophes des Lumières ont cherché à élaborer une morale universelle, mais ils n’ont pas développé un universalisme univoque, bien au contraire. Je propose d’identifier trois langages concurrents, et parfois contradictoires, de l’universel, qui correspondent à trois opérations, théoriques et rhétoriques, d’universalisation du discours philosophique. Le premier est juridique et cosmopolite, il pose l’égalité abstraite des individus. Le second est historique : il réfléchit aux conditions de développement de la « civilisation ». Le troisième, enfin, est critique. Il s’enracine dans des situations de domination et prône l’affranchissement. Ses trois langages ne se déploient pas dans le ciel pur des idées, ils cherchent à rendre compte des transformations sociales, politiques et culturelles qu’expérimentent les sociétés européennes au cours du XVIIIe siècle.

Avec la Révolution française, ces langages sont redéployés sur un plan plus ouvertement politique : celui de la citoyenneté. S’ouvrent alors de nombreuses lignes de conflit, indissociablement théoriques et politiques. Faut-il promouvoir une République universelle du genre humain, au nom de l’universalité des droits de l’homme, ou chercher avant tout à rendre les droits du citoyen effectifs dans un cadre national ? Et comment résoudre la contradiction d’une révolution universaliste qui écarte tant d’individus de la citoyenneté active, voire de la liberté ? L’héritage des Lumières, bien compris, offre la possibilité d’effectuer un retour réflexif sur les origines conflictuelles de l’universalisme moderne.

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