Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a posé d’emblée, à l’orée de la Révolution française, une tension fondamentale, irréductible, entre la proclamation des droits naturels de l’humanité et l’affirmation des droits du citoyen français. Plusieurs questions vont alors traverser toute la Révolution. La première est celle de la représentation. Si les « représentants du peuple français » ont déclaré les droits de l’homme et du citoyen, qui peut représenter l’humanité ? Comment s’assurer que les droits seront effectivement reconnus ? Dans les Ruines (1791), Volney imagine une « assemblée des peuples du monde », où la diversité anthropologique de l’humanité finit par se résorber dans une adhésion unanime à la loi naturelle, sous les auspices des « législateurs d’une grande nation », appelés à guider le monde entier vers le « siècle nouveau ». Cette fiction universaliste prophétise ce qui, justement, reste à démontrer : l’adhésion enthousiaste de tous les peuples aux principes de la Révolution.

Un an plus tôt, à l’Assemblée, Anacharsis Cloots, autoproclamé « orateur du genre humain », avait cherché à mettre en scène un tel ralliement. Il avait mené devant les députés une délégation d’étrangers demandant, au nom de leur enthousiasme pour la Révolution, à participer aux festivités de la fête de la Fédération. Nous suivons aujourd’hui le parcours d’A. Cloots, dont le cosmopolitisme radical sert de révélateur aux ambiguïtés de l’universalisme révolutionnaire. Remplaçant la souveraineté de la nation par la « souveraineté du genre humain », Cloots combat pour la « République universelle », une nation unique à l’échelle du globe, sans frontières, fondée sur l’universalité des droits, sur la circulation sans frein du commerce et de l’information, et enfin sur une religion de la nature et de l’humanité, remplaçant tous les cultes.

Pour Cloots, l’universalisation de la Révolution passe par le triomphe des armées françaises, mais le destin de la France n’est pas de s’affirmer au nation, plutôt de s’effacer et de disparaître dans cette République universelle. Le projet, qui a pu sembler en phase avec le moment le plus universaliste de la Révolution, se heurte rapidement au patriotisme révolutionnaire de l’an II. « Peut-on regarder comme patriote un baron allemand ? » s’écrie Robespierre. Exclu de la Convention en décembre 1793, Cloots est jugé par le Tribunal révolutionnaire avec les Hébertistes et exécuté en avril 1794.