Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

En 1783, Rivarol avait remporté un des prix de l'Académie de Berlin pour son discours sur l'universalité de la langue française. Celle-ci, prétendait-il, avait désormais remplacé le latin comme langue européenne de la communication savante et aristocratique, grâce à la gloire de la monarchie louis-quatorzienne et des écrivains français du XVIIIe siècle, Voltaire au premier plan. « Le temps semble venu de dire le monde français comme autrefois le monde romain ».

Avec la Révolution c'est une tout autre conception de l'universalité de la langue française qui fut promue, notamment par l'abbé Grégoire, dont la célèbre enquête sur les patois, lancée en 1790, aboutit quatre ans plus tard à un rapport « sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française », présenté à la Convention le 16 prairial an II. Ce n’est plus la langue qui devait être universelle, mais son usage ; et non pas à l’échelle de l’Europe ou du monde, mais à l’échelle de la France. Le français devait être l’instrument permettant de régénérer la nation et d’étendre à chacun le bénéfice des droits universels garantis aux citoyens. « Universaliser », ici, consiste à construire une nation homogène, à faire disparaître les particularités locales. « La République, une et indivisible dans son territoire (…) doit être une et indivisible dans son langage » écrivait le grammairien François-Urbain Domergue.
Le français, toutefois, n’était pas seulement la langue de la nation française. Il était aussi devenu la « langue de la liberté ». Après Thermidor, et à la suite de victoires et des conquêtes françaises en Europe, les deux discours tendirent à fusionner, les révolutionnaires français, ou du moins certains d’entre eux, proposant d’imposer la langue de la liberté à l’Europe nouvelle issue de la Révolution.

La Révolution a ainsi produit une puissante et durable combinaison idéologique entre la langue, la nation et la République, faisant du français, vecteur d’uniformité culturelle et de rayonnement international, un des principaux supports du discours de l’universalisme républicain.