« Toute société qui n’est pas éclairée par des philosophes est trompée par des charlatans », écrivait Condorcet en 1793. Le charlatan est un personnage important au sein de l’imaginaire des Lumières. Comment comprendre que cette figure apparemment archaïque, souvent identifiée au faux médecin vendant ses élixirs sur les places publiques, ait pu paraître si menaçante ? Le charlatanisme, en vérité, est omniprésent et protéiforme : non seulement les médecins « empiriques », tolérés en marge de la médecine officielle, mais aussi les aventuriers de haut vol, les imposteurs vivant de la crédulité des élites, les démagogues capables de séduire le peuple par la parole, les savants peu scrupuleux et les écrivains trop éloquents.
Le cours de cette année s’interrogera sur cette angoisse du charlatanisme, qui révèle les ambivalences de l’espace public et les anxiétés épistémologiques des philosophes des Lumières confrontés à un paradoxe nouveau : comment le public pourra-t-il reconnaître ceux et celles qui cherchent à l’éclairer et non à le tromper ? Ne préfère-t-il pas des spectacles amusants à de pénibles leçons ? Qui, d’ailleurs, peut en juger ? Le charlatan, c’est toujours l’autre : l’accusation est réversible, elle pointe les limites de l’autorité savante, les frontières souvent floues entre conviction et séduction, entre la puissance de la raison et les prestiges de la croyance.
Il apparaîtra que l’ombre inquiétante des charlatans continue de planer sur les temps modernes lorsque la science sort de ses laboratoires pour se confronter aux médias et à la politique.